TIFF 2015, jour 4 et dernier : la force de ses convictions
par Helen Faradji
Dernier tour de piste pour nous au Festival de Toronto sous un crachin froid qui fait encore aimer un peu plus les salles de cinéma… Pendant que le tchou-tchou nous ramène à la maison, une étrange impression vient en tête. Celle d’avoir vu en ce dimanche deux films illustrant peu ou prou la même figure – celle d’un homme croyant dur comme fer à ses convictions – mais dans des versions aux extrêmités opposées du spectre du bien et du mal.
C’est d’abord Trumbo, biopic signé Jay Roach tout ce qu’il y a de conventionnel (reconstitution rutilante, long détour obligé par la case « famille », musique épique, traditionnel schéma puissance-déchéance-rédemption), suivant pas à pas le destin du plus célèbre scénariste du grand Hollywood, celui qui signa de sa plume agile les récits de Vacances romaines, Spartacus, Johnny Got His Gun ou Exodus, celui aussi qui par la faute du comité des activités anti-américaines fut jeté en prison avant de faire partie de la tristement célèbre liste des 10 d’Hollywood, blacklistés des années durant pour avoir toujours défendu leurs convictions communistes. Si le film se veut ouvertement réparateur, n’épargnant pas les méchants (John Wayne et Hedda Hopper – délicieusement vipérine Helen Mirren) et célébrant les gentils (Trumbo, défendu avec un aplomb ludique assez irrésistible par Bryan Cranston, et sa bande), il est aussi, en ces temps de grande frilosité politique et idéologique, de ces films-bonbons qui exhalent un parfum de résistance et de détermination envers et contre tout naïf mais inspirant.
Détermination ? C’est peut-être le mot qu’il faudrait aussi employer pour parler du parcours de Marc, jeune skinhead dans les années 80 qui traversera sous nos yeux les ans pour peu à peu se délester de ses idées courtes sur cheveux rasés. Second long métrage de Diastème, filmé avec un sens du naturalisme évoquant parfois la vigueur fébrile des Dardenne, d’une frontalité parfois répugnante, Un Français suit son « héros » à la semelle, jusque dans les recoins les plus sombres de ce que peut l’âme humaine. Ultra-violent, nauséeux, le film fait grandir sous nos yeux effarés, apeurés, la haine, l’institutionnalisant quelques instants lorsque Marc se frotte aux instances plus policées du Front National, avant de la faire se retourner contre lui, désormais apaisé, solide, mais rejeté par ceux là-même qui, avant, en faisaient leur héros. Ambigu, par moments gênant, mais passionnant et essentiel, Un Français force son spectateur à choisir, lui laissant une liberté absolue, presque vertigineuse en l’obligeant néanmoins à regarder la bête dans le fond des yeux. Un choc s’amenuisant sur le long, mais un film qui, assurément, secoue, remue, dérange, comme on l’attend d’un tel sujet.
Croire jusqu’à l’aveuglement ? Croire pour mieux rester debout coûte que coûte. D’un côté ou de l’autre de la barrière, l’engagement a été mis en question dans nos deux derniers films du jour ce qui, somme toute, apparaît comme une belle récompense.
13 septembre 2015