Je m'abonne
Chroniques

50 ans d’arts vidéo à Marseille (2)

par Philippe Gajan

Nam June Paik, ce héros au sourire si doux… + Le Québec au tableau d’honneur

Son ombre plane, son nom est au détour de chaque conversation. Paik est bien la figure tutélaire de cette célébration. À l’ouverture, les Instants proposaient de (re)voir la bande de Robert Baladi à la recherche de la première bande perdue de Paik. Anecdotique. Plus drôle et plus révélateur, la « chance interview » réalisée par Jean-Paul Fargier et ses acolytes, intitulée L’Arche de Nam June. Ce dernier se prête de très bonne grâce à ce jeu qui consiste à piocher un mot au hasard (couleur, Mac Luhan, Maciunas, etc.) et de partir de là. Un exercice délicieux et révélateur servi par un artiste fort sympathique mais également provocateur.

Dans le même programme le grand poétronique Gianni Toti qui en 2002 osait intituler sa dernière œuvre Trionfo della morte et mort sans triomphe avec danses macabres avant sa disparition en 2007. C’est brillant!!!

Passé cependant le passage obligé de la mémoire et de l’hommage (mention spéciale et chapeau bas au pionnier Italien Michelle Sembin qui, à l’ouverture, a recréer sa performance de 1977, mais en assumant sa présence aujourd’hui et maintenant ce qui provoquait une trouée dans le temps), le festival est reparti arpenter les territoires ou plutôt les terr(h)istoires. Et les terr(h)istoires à l’honneur hier étaient, entre autres, ceux du Québec. Le Québec fait partie de cette histoire de l’art vidéo de plein pied, et à bien des égards a fabriqué une partie de cette histoire comme cela a été souligné à maintes et maintes reprises hier. Nous aurons l’occasion de revenir largement sur ces histoires dans le prochain numéro de la revue consacré aux 50 ans de la vidéo (le numéro 165 à paraître en décembre), notamment en éditant sur DVD quelques-unes des bandes marquantes de cette histoire comme les 10 x MINUTES commandées pour l’occasion à dix artistes québécois : un survol fulgurant de la richesse et de la diversité des courants qui ont traversé cette histoire.

Un mot en terminant sur la table-ronde de ce matin qui abordait le thème de la diffusion de l’art vidéo. Un rendez-vous manqué pour parler de la mutation des pratiques tant artistiques que spectatorielles. À deux pas de là l’installation monumentale de Dominik Barbier intitulée Sun is The Next TV (L’apocalypse de l’art vidéo) semblait hurler : « L’art vidéo est mort, vive l’art vidéo! ». Et c’est effectivement ce sentiment qui prédomine majoritairement quand vient le temps d’aborder ces pratiques qui s’accommodent mal d’un regard nostalgique. La leçon est la même qu’en cinéma. La distribution, mais également les notions de droit d’auteur, de financement, de diffusion ou encore de dispositifs doivent être fondamentalement repensés avec/contre/tout contre le web. Tant et aussi longtemps que l’on s’arque-boutera sur des positions d’avant (le web), on n’avancera pas. Et le mouvement (liberté et résistance) est la condition première de l’art. À bas la dictature des distributeurs, festivals, commissaires et autres critiques, aussi bien attentionnés soient-ils. Non pas qu’ils ne sont pas importants, mais leur rôle doit être également redéfinis. Ils ne sont plus en position de vie et de mort sur les œuvres car la condition première de cette existence est désormais remplie par le web : l’accès. Désormais, les médiateurs, ceux qui accompagnent les œuvres, doivent se situer en aval et permettre l’émergence d’une pensée critique, un dialogue avec ces œuvres. Ce qui n’est pas la même chose…


9 novembre 2013