Je m'abonne
Chroniques

Du court au long et vice versa

par Helen Faradji

Et que le ciel est bas à Namur. Crachin, brouillard, froid humide, tout y est pour donner plus que jamais envie de se réfugier dans les salles. Dommage, le vrai plaisir de ce dimanche n’aura été que de courte durée…un tout petit 30 minutes. Mais quel 30 minutes

L’avantage des festivals se situant dans le temps après la sainte trinité de l’été (Cannes-Venise-TIFF), c’est que la plupart des films de gros calibre ayant déjà été vus (hier, c’était la journée Mommy à Namur où le film du petit prodige a eu le même effet que partout ailleurs et est devenu LE sujet de conversation préféré des festivaliers), l’attention peut se reporter sur d’autres oeuvres plus discrètes, plus marginales, parfois choisies au petit bonheur la chance, en espérant toujours le miracle.

Si miracle il n’y eut pas, reste que c’est du côté de la compétition internationale court-métrage, dans le premier programme, que le plaisir, le vrai, celui de la découverte et de l’envie de parier sur l’avenir, s’est invité avec Petit Homme de Jean-Guillaume Sonnier. Un film court, donc, mais dont chaque minute aurait pu se démultiplier tant il y avait là une fascination qui se serait aussi bien vécue en format long. Petit Homme donc, comme ce jeune apprenti jockey, confiné dans un centre de formation, à la carcasse malingre et au coeur fasciné par les agissements d’un autre apprenti, Eliab, son aîné. Des corps d’hommes, une vitalité, un bouillonnement quasi-hormonal que traduisent les mouvements d’une caméra experte, des visages anxieux, des jeux d’observation… tout dans ce premier film assuré dit l’intensité du refoulement, la sensualité des désirs contraints. Bien sûr, La naissance des pieuvres de Céline Sciamma vient vite en tête (la cinéaste est d’ailleurs citée dans les remerciements), mais on a désormais bien hâte de revoir le Suisse Jean-Guillaume Sonnier et ses élans intelligents.

Jolie découverte encore, dans le même programme, plus drôle et légère, tonique et sophistiquée, féminine et féministe, du côté de la Belgique où Edith Depaule nous amenait, toujours en version courte, au Dancing dans un joli petit film décomplexé et soigné qui fait de la danse un instrument de libération, contre toute attente. À garder en réserve pour les soirées pluvieuses.

Des courts qu’on aurait aimé voir longs, donc, mais aussi des longs à qui le format court n’aurait sûrement pas fait de mal… Le jeu se joue dans les deux sens, et le premier film de Thomas Salvador, un ancien alpiniste et acrobate, le montre. Partant d’une idée aussi poétique que loufoque (un type – que joue le cinéaste lui même – tout ce qu’il y a de banal voit ses forces et habiletés décuplées dès que son corps entre en contact avec de l’eau), Vincent n’a pas d’écailles refuse tout spectaculaire, tout effet pour aborder le « super » de la façon la plus blanche possible. Sur certaines attitudes, Buster Keaton n’est pas loin, mais c’est le scénario, pourtant écrit en collaboration avec Thomas Bidegain, scénariste d’Audiard, incapable de se déployer ou de réellement jouer de cette idée d’un super-pouvoir confronté au réel le plus plat, qui finit par empêcher tout attachement, toute envolée. Ou quand la sobriété et la simplicité confinent au manque…

Un manque qui marque aussi Hope, premier long de fiction du documentariste Boris Lojkine, prix SACD de la dernière Semaine de la critique. On peut difficilement être contre la vertu et ce film relatant le parcours forcément terrible d’un Camerounais et d’une Nigériane cherchant à fuir ce continent maudit pour rejoindre l’Europe en déborde. Regard documentaire mêlé à une progression dramatique tenue et maîtrisée, acteurs pour la plupart non-professionnels, lieux de tournage étant ceux de la fiction, rigueur absolue d’un regard qui ose regarder droit dans les yeux ce monde où l’entraide, et même l’amour, sont devenues des anomalies…. Oui, tout est là. Et pourtant manque néanmoins ce surplus d’âme, cette puissance quasi-lyrique faisant de ces drames humains de réelles tragédies, cette finesse d’analyse des comportements et des situations qui rendaient par exemple La pirogue de Moussa Touré, sur le même sujet, si poignant. Oui, même la vertu a parfois ses limites.

Si ce début de semaine sera marqué à Namur par l’arrivée sur la piste de danse des Dardenne, de La petite reine d’Alexis Durand-Brault (provoquera-t-il des évanouissements comme il l’a fait en France?) ou de Denis Côté (Que ta joie demeure est en compétition officielle, le cinéaste donnera également aujourd’hui une leçon de scénario), on se gardera le droit de continuer à visiter les chemins de traverse, histoire de mieux se laisser surprendre.

 

La bande annonce de Petit Homme

PETIT HOMME de Jean-Guillaume Sonnier from CASA AZUL FILMS on Vimeo.

Un extrait de Hope


6 octobre 2014