Fantasia: le cauchemar commence
par Céline Gobert
Etrangement jusqu’ici, aucun des films que j’avais choisis de voir à Fantasia ne tenait du véritable cauchemar d’horreur ou d’épouvante. C’était sans compter la projection, lundi soir, d’Aux yeux des vivants, dernier bébé (très éprouvant) du duo français Alexandre Bustillo et Julien Maury- dans lequel un géant creepy pourchasse minutieusement et sans relâche trois enfants et leurs familles respectives.
Pour autant, ces frenchies passionnés qui, contrairement à Alexandre Aja (Haute tension) ou encore Pascal Laugier (Martyrs), continuent de tourner en langue française, ne renient pas l’immense héritage du cinéma américain (de ses films à ses comics) : Aux yeux des vivants prend même parfois des allures de musée de l’horreur, alignant les clins d’oeils et les hommages 80’s. Quand le E.T de Spielberg côtoie le giallo d’Argento… Du bonbon pour les cinéphiles dans la salle.
Parce qu’il s’inscrit dans la lignée du slasher (croisé survival et film de boogeyman) on pense aussi beaucoup au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (tiens tiens) ou à la saga des Halloween. L’image sophistiquée (un peu trop) n’empêche pas l’efficacité de la violence de la seconde partie et des flashs cauchemardesques qu’elle réserve. Après A l’intérieur (cité en ouverture!) et Livide, Bustillo et Maury calquent leur modèle habituel : une horreur sauvage et brutale, un scénario limité, et un début un peu longuet. Ce qui frappe l’esprit, c’est surtout l’ardeur avec laquelle les réalisateurs y vomissent d’un bout à l’autre leur passion pour le gore et l’horreur. Résultat : 90 minutes plus tard, plus personne ne rigole vraiment dans la salle.
La claque tombait plutôt bien, après une fin de semaine sans grand choc émotionnel où le fantastique et l’horreur servaient davantage l’étude de caractère des personnages et de leur vie relationnelle et/ou amoureuse que le genre lui-même.
Ainsi, Closer to God de Billy Senese (récompensé à Fantasia il y a quelques années pour son long métrage The Suicide Tapes), présenté vendredi soir, retravaille le Frankenstein de Mary Shelley à la sauce clonage pour mieux étudier l’obsession dingue d’un médecin. L’allure documentaire du film et l’utilisation/dissimulation de la figure de l’enfant-monstre transforment l’ensemble en un genre de bal des freaks à l’étrangeté entêtante. Le soundtrack que le compositeur Thomas Nöla a décrit lui-même comme « organique » lors de la rencontre avec le public, y est aussi pour beaucoup.
Dans The One I love, premier film de Charlie McDowell, la science-fiction vient nous parler du couple. Le mariage d’Ethan (Marc Duplass) et de Sophie (Elisabeth Moss vue dans Top of the lake) bat de l’aile. Leur thérapeute conjugal les envoie passer une semaine au vert. Ils y rencontrent…. leur séduisant et parfait double respectif ! Le choix de l’hybridité (mélange de comédie et de SF) permet à McDowell d’aborder avec originalité les réalités de la vie en couple – temps qui passe et érosion du désir en premier. Une petite pépite, présentée en première internationale samedi soir, dont Fantasia peut être fier ! Notez que vous pourrez revoir le film mercredi à 15H.
Le huis clos argentin El Desierto, lui, met en scène un triangle amoureux enfermé dans une maison, et menacé par les féroces zombies du dehors. Bien que l’après apocalypse de Christoph Behl soit visuellement intéressante (quelque part entre le poisseux et le poétique…) et bourrée de réjouissantes trouvailles (les noms grecs que donne l’héroïne aux morts-vivants ou encore le bourdonnement incessant des mouches en bande son), ce sont les relations de plus en plus tendues (sexuellement et humainement) entre les trois survivants (une fille et deux mecs) qui intéressent le plus le cinéaste. L’univers, extrêmement prometteur, est hélas un peu sacrifié au profit du psychodrame. Dommage.
Des claques, espérons qu’il y en aura davantage durant cette deuxième semaine du festival : Starry Eyes de Dennis Widmyer et Kevin Kolsch ? When Animals dream de Jonas Alexander Arnby ? La version restaurée de The Texas Chainsaw Massacre, le film culte de Tobe Hooper ?
Notons, par ailleurs, deux événements en parallèle mardi soir : la seconde diffusion de Cybernatural de Leo Gabriadze, et, la présentation spéciale de Guardians of the Galaxy de James Gunn très attendue par les fans de Marvel.
29 juillet 2014