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Chroniques

Jaime Humberto Hermosillo

par Monica Haim

Jaime Humberto Hermosillo
22 janvier 1942 – 13 janvier 2020

Subitement et silencieusement, s’est éteint, à Guadalajara, ce cinéaste admirable, cet homme adorable, qu’était Jaime Humberto Hermosillo. Un des grands auteurs mexicains qui ont éclos sur la scène mondiale dans les années 1970, il laisse derrière lui trente-neuf films. De ceux-là, on n’oubliera jamais l’incendie purificateur de La Passion selon Bérénice, la mer qui emporte tout du Naufrage, le suicide par désespoir d’Intimité dans une salle de bain, le premier film gai réalisé au Mexique Doña Herlinda et son fils, une des meilleures adaptations d’un récit de Gabriel García Márquez, Maria de mon cœur et les tournages en vidéo de Le Devoir et Le Devoir interdit avant que ce médium ne devienne la norme. On n’oubliera jamais non plus la stupéfiante audace insoupçonnée de cet homme aux manières si douces et bienveillantes.

Chantre de la libération sexuelle, âpre critique de l’hypocrisie de la petite bourgeoisie, de ses préjugés, de sa méchanceté et mesquinerie, il est, dans un premier temps, l’auteur d’un cinéma populaire réalisé dans le cadre industriel. Puis, les difficultés de financement et l’avènement de la vidéo numérique lui pavent le chemin vers un cinéma qu’il nomme intime, réalisé avec des moyens très restreints. Il tourne alors chez lui avec des comédiens et techniciens qui s’estiment honorés de travailler avec lui. Ces films, destinés principalement à son cercle, traitent des amours trahies, des amants éconduits, des amours non partagées. Ce sont des films poignants, bouleversants, aussi audacieux que ses films les plus célèbres.

Admirateur de Cukor, Max Ophuls et Fassbinder, il est fasciné par le cinéma depuis que, enfant, il a découvert les westerns de John Ford. Mais issu de la petite bourgeoisie de province et orphelin de père à un jeune âge, il apprend la sténodactylo et la comptabilité. Puis, au tout début des années 1960, il fuit la province pour la capitale où la première école de cinéma au Mexique vient d’ouvrir ses portes. Vu ses origines de classe et sa condition familiale, dans un pays où l’égalité des chances n’est qu’une idée, rien ne présage de son succès. Son homosexualité affichée, en revanche, lui vaudra des avanies. Malgré cela, il restera toujours optimiste, généreux et serein ; jamais il ne cessera d’écrire et de tourner dès que le minimum des conditions était réuni.

Petit et frêle, l’homme qui nous a quittés était animé par une volonté inébranlable, un désir brûlant de créer et une douceur immense. Le vent du destin vient d’éteindre cette flamme.

Jaime Humberto, adieu.


21 janvier 2020