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Chroniques

Lars von Trier

par 24 images

À l’occasion de la sortie de Nymph()maniac 1 et 2, voici un petit retour sur la réception de l’œuvre du trublion danois dans les pages de 24 images. Un retour en arrière pour mieux appréhender la nouvelle proposition d’un cinéaste qui ne laisse jamais indifférent.

Portrait

par Alexandre Fontaine-Rousseau

Lars von Trier est un monstre nihiliste qui entretient un rapport quasi tyrannique avec le spectateur, victime consentante de ce sadisme assumé dont le cinéaste danois réaffirme film après film l’inépuisable inventivité.

Un clin d’œil à la fois, Lars von Trier nous rappelle pourtant qu’il ne faut pas toujours prendre trop au sérieux les gens qui semblent se prendre très au sérieux. Au-delà de la froide précision de sa mise en scène, l’auteur possède en effet un étrange sens de l’humour qui explique pourquoi, avec lui, on ne sait jamais trop sur quel pied danser. Cet instant totalement irréel d’Antichrist (2009) où un renard se dévorant lui-même annonçait, en se retournant vers un Willem Dafoe complètement déconcerté, que « le chaos règne » cristallise ainsi, de la plus étrange manière possible, l’approche résolument déroutante d’un cinéaste qui, quelques années plus tôt, avait remis en question le contrôle qu’il exerçait sur son film en confiant, soi-disant, la « réalisation » de The Boss of It All (2006) à un algorithme informatique nommé Automavision. En rétrospective, même le fameux manifeste Dogme 95 ressemble autant à une ambitieuse plaisanterie qu’à un authentique projet cinématographique.

Mais c’est justement cette ambiguïté qui fascine, chez Lars von Trier : ses chefs-d’œuvre sont peut-être de grandioses supercheries, des coups pendables qu’il orchestre avec un malin plaisir. Sauf qu’ils sont si maîtrisés sur le plan formel et intellectuel que l’on ne peut s’empêcher d’y chercher, toujours, une vérité profonde qui peut-être leur échappe. Splendide fresque apocalyptique sur l’effondrement des certitudes, Melancholia (2011) faisait habilement coïncider l’actuel et l’intemporel, l’intime et le cosmique, cap- tant parfaitement l’essence intangible d’une angoisse existentielle universelle. Or, si la fin du monde de von Trier fascine, c’est qu’elle possède une grâce impitoyable, provoque une terreur cathartique en faisant table rase des convictions scientifiques et religieuses – en laissant, au final, l’Homme face à lui-même et face à la destruction totale du sens sur lequel reposait son existence. Certes, Lars von Trier est un monstre nihiliste ; mais il tire de cette force négative l’énergie nécessaire pour bâtir d’éblouissants trous noirs.

Ce portrait fait partie d’un dossier spécial sur 100 cinéastes contemporains réalisé pour le numéro 163 de la revue. La version numérique de ce numéro est disponible en vente ici.

  

 

Critiques

   

 

  

 

  

 

  

 

   

  • Melancholia (2011) par Apolline Caron-Ottavi
  • Melancholia (2011) par Gérard Grugeau : disponible sur abonnement ici.
  • Nymph()maniac (2014) par Apolline Caron-Ottavi

 


20 mars 2014