99 Francs
Jan Kounen
par Marcel Jean
Soyons direct : les amateurs du livre de Frédéric Beigbeder ne seront pas déçus. Est-ce dire que 99 francs est un bon film? Non. Rien à voir. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le film de Jan Kounen (Dobermann; Blueberry) est totalement fidèle à l’esprit du roman. Même côté tape-à-l’il, même philosophie de salon, même cynisme. Même humour, aussi. Jean Dujardin n’est pas là pour rien Les autres, ceux qui n’apprécient guère la littérature du monstre médiatique français, n’ont qu’à se le tenir pour dit.
Il faut dire que cela n’allait pas de soi. L’adaptation du roman de Beigbeder nécessitait un sérieux travail de structure, tâche dont se sont bien acquittés le tandem de scénaristes Nicolas et Bruno. Film sur le milieu de la pub, 99 francs a lui-même des allures de pub survitaminée, Kounen utilisant son imposante panoplie pyrotechnique pour en mettre plein la vue au spectateur. Jusqu’à un certain point, ça marche : l’avalanche des effets et le rythme effréné de l’ensemble anesthésient le sens critique. Mais, au bout d’un moment, le paradoxe sur lequel repose le film devient évident : on ne peut dénoncer un système en s’inscrivant dans ce système, une pub ne peut pas dénoncer la pub. On a ici un garçon, Octave Parango, qui se fait un tas de fric, qui porte des fringues griffées, qui conduit une BMW décapotable, qui baise des mannequins et qui achète la cocaïne au kilo. Mais, tout à coup, il a un sursaut de lucidité. Il s’aperçoit que tout cela, c’est de la merde. Conséquence : il s’en prend au système. À la fin, on a trois suicides au bilan et, malgré tout, la curieuse impression d’une rédemption. On a aussi l’impression, plus tenace encore que la précédente, que la vie dégueulasse des professionnels de la pub vaut tout de même la peine d’être vécue. Levez la main ceux qui aimeraient le fric, les fringues, la drogue et les mannequins! Bon, d’accord, baissez le bras, on ne va pas tous vous compter. C’est vrai que tout cela est plus excitant que la vague promesse de souffler les bougies sur un gâteau le jour de l’anniversaire de vos 90 ans. Surtout que puisque Keith Richards est encore en vie avec la vie qu’il a menée, vous pouvez bien croire en vos chances de survivre à l’expérience. Enfin…
De là à mettre en cause la sincérité du propos (un texte apparaissant avant le générique final nous indique que 10% des sommes dépensées mondialement en publicité pourraient régler de moitié le problème de la faim dans le monde) il n’y a qu’un pas. Alors, en avant toute! Si Pepsi nous a vendu des boissons gazeuses avec Claude Meunier déguisé en imbécile incapable de prononcer correctement le nom du produit, Jan Kounen et Frédéric Beigbeder peuvent bien nous vendre le monde de la pub en faisant semblant de le décrier. Quant à Dujardin, plus besoin de le vendre, on l’a déjà acheté.
5 juin 2008