À l’Ouest de Pluton
Myriam Verreault
par Helen Faradji
Parlez d’adolescence au cinéma et observez. C’est presque instantanément que fusent les références aux trois pièces maîtresses du genre : l’existentiel Elephant de Gus Van Sant, l’éthéré The Virgin Suicides de Sofia Coppola et l’opus cru de Larry Clark, Kids. Une sainte trinité sous les auspices de laquelle se plaçait ainsi parfaitement le saisissant Tout est parfait d’Yves-Christian Fournier.
À sa manière, À l’ouest de Pluton, première réalisation d’Henry Bernadet et Myriam Verreault peut lui aussi revendiquer sa place dans la descendance. Il suffit par exemple d’observer ces plans fixes à la grande profondeur de champ d’un jeune skater ponctuant le film pour avoir immédiatement envie d’évoquer l’onirisme urbain et la mélancolie de Gus Van Sant. Il suffit encore d’écouter quelques « débats » (faut-il aimer pour coucher?) parsemant le récit pour songer à une version polie de quelques dialogues clarkiens. Pourtant, malgré ces indéniables liens, il serait injuste de réduire À l’ouest de Pluton à une série de correspondances plus ou moins élogieuses.
Car À l’ouest de Pluton est un objet singulier. Une rareté dans le paysage cinématographique québécois. Un tour de force aussi, notamment par ses conditions de production. Tourné pour une bouchée de pain, longtemps mûri dans l’esprit de ses créateurs, il se distingue encore par l’incroyable travail effectué avec ses acteurs : une quinzaine d’adolescents de 14, 15 ans, recrutés dans l’école secondaire de Loretteville, en banlieue de Québec, chargés d’interpréter leurs propres rôles après plusieurs mois d’improvisation et de discussions. D’un naturel absolument confondant, nous confiant sans gêne leurs préoccupations des plus triviales aux plus essentielles, (re-)vivant pour nous l’intense expérience de toutes les premières fois, ils sont l’épine dorsale de ce récit en forme de radiographie de la jeunesse québécoise.
Mais c’est encore la mise en scène réfléchie de Bernadet et Verreault pour les mettre en valeur qui frappe. Combinant prises de vues nerveuses à l’épaule (comme pour mieux capter le tumultueux bouillonnement de la jeunesse) à des observations sereines et poétiques du quotidien de cette banlieue sans âme, la caméra parvient aussi à transmettre un effet de direct absolument captivant. Non pas parce qu’elle s’acoquine sans cesse au documentaire, tout en parvenant il faut le souligner à y rattacher sans couture apparente une trame fictionnelle solide, mais parce qu’elle arrive à nous donner l’extraordinaire sentiment d’assister à la naissance d’une génération. Ces adolescents sont en train de quitter l’enfance, de devenir des citoyens, des amis, des amoureux, des acteurs. Et c’est avec beaucoup de finesse qu’À l’ouest de Pluton parvient à nous faire croire que cette mue se produit précisément en cette douce journée d’automne qu’il observe. C’est cette impression qu’il nous donne de devenir un témoin privilégié de la mise au monde du Québec de demain qui rend ce film aussi touchant qu’attachant.
26 février 2009