Critiques

Adoration

Atom Egoyan

par Juliette Ruer

Quand il faut les explications du réalisateur pour trouver un film intéressant, ce n’est pas forcement un signe de réussite. Mais on se force, parce que le réalisateur s’appelle Atom Egoyan, et que par conséquent, même enrhumé ou en mode mineur, un type comme lui a de quoi surprendre, se dit-on. Il faut reconnaitre aussi que ce n’est pas toujours évident de traiter des notions d’identité et de frontières; qu’il en faut de l’imagination pour broder encore sur le thème familial; surtout si l’on cogne sur le clou depuis toujours. Sans parler des réflexions sur l’image et la technologie, qui sont aussi les thèmes ressassés sans cesse depuis 20 ans, depuis Speaking Parts, par le metteur en scène canadien. Adoration, son dernier film, gagnant du prix du jury œcuménique à Cannes, ne dépare donc pas.

Un adolescent raconte la mort tragique de ses parents en classe et sur le net, une histoire troublante d’attentat raté. Vrai ou faux ? L’ado croit à son histoire et trouble son entourage, des copains, des internautes, son grand-père, son oncle et son prof de français (Arsinée Khanjian).

Les personnages principaux sont en quête de réponses, de sens et d’apaisement. Pour nous perdre ou nous éclairer, plusieurs histoires se télescopent, le temps est élastique et c’est dans le fourmillement que des liens se créent. On pourrait aussi résumer l’histoire d’une autre façon et ce serait encore vrai, car voilà un scénario brillant qui ouvre et ferme méthodiquement chaque tiroir. Il y a plusieurs portes d’entrée chez Egoyan et c’est toujours ce qui rend son œuvre intrigante.

Or malgré les différents sujets – que l’on peut délimiter en trois groupes, celui de la cellule familiale, celui des valeurs identitaires et celui de la technologie – il n’y a rien de neuf avec Adoration. On a beau tourner dans tous les sens et affiner les thèmes abordés (future technologique engloutissant ? extrémisme et fanatisme sans limite ? Valeurs brouillées par la diffusion de son intimité ?), rien ici ne surprend plus. La pensée n’est pas alimentée et les propositions de réflexion avancées sont beaucoup plus vides que l’on avait imaginé.

Dans la longue liste des bonus au DVD, outre les scènes coupées, le tournage d’un plan et les previews; c’est une entrevue avec le réalisateur qui permet de suivre sa pensée. On comprend le cheminement, les interrogations, le plaisir philosophique et intellectuel de l’artiste qui s’interroge et se passionne. Le monsieur et bavard et il a le mot juste. Or, rien de cet élan n’a transpiré sur l’écran. Plus que de la froideur – une marque de commerce canadienne – c’est le fait de rater sa cible qui est fatal au film. Adoration tombe à coté de la plaque. Il y avait pourtant un scénario à la fois souple et solide; une Arsinée Khanjian qui commence a bien jouer; des acteurs, Scott Speedman et le jeune Devon Bostick, tout à fait convaincants et un réalisateur qui sait ce qu’il fait et comment il le fait. La vinaigrette est fade. Egoyan a déjà été brillant, là il est juste un peu éteint.


29 octobre 2009