After the Wedding
Suzanne Bier
par Rachel Haller
Susanne Bier aime à consigner le couple dans le domaine de la lutte. Pas la lutte contre le quotidien, mais la lutte contre le destin. Un destin de tragédie grecque où accident (Open Hearts) et guerre (Brothers) condamnent le duo au voyage en solo au rythme du grand questionnement. Dans After the Wedding, elle entortille sa caméra autour du même fil, mais un peu plus bas sur l’écheveau. Plutôt que d’ausculter les ravages du séisme, elle se penche sur l’épicentre avant le cataclysme. Avec son coscénariste Anders Thomas Jensen (également réalisateur, entre autres d’Addam’s Apple), elle sait d’ailleurs en tirer le meilleur parti dramatique, du moins jusqu’au deuxième tiers du film.
Comme Jacob (très bon Mads Mikkelsen), fraîchement arrivé d’Inde pour empocher la manne d’un donateur trop généreux, on entend d’emblée la tempête gronder. Et d’emboîtements en déboîtements, la tornade se rapprocher à pas tendus. Mais lorsqu’elle éclate enfin, c’est la noyade dans le torrent du mélodrame. Le récit n’en ressort pas purifié, mais délavé.
Déception sans surprise pourtant. Depuis le début, le constant parallélisme entre une Inde collectivement infortunée et un Danemark égoïstement affligé diluait le film. Même les personnages, censés nuancer la démonstration grâce à l’universalité de la notion de responsabilité, ne réussissaient pas à colorer le monochrome. Que les riches ne sont pas tous des crétins et qu’ils peuvent aussi avoir de nobles desseins, on le savait, pas besoin de le marteler si souvent et si tôt. Sans compter que nantis ou démunis, sauvés ou condamnés, les protagonistes n’évoluent guère pendant cette noce. Tout au plus, réaffirment-ils des penchants trop vite pressentis.
Assurément, les conséquences de la colère divine convenaient mieux à Susanne Bier que ses prémisses. Non qu’elle parvenait pour autant à s’éloigner du débat moral (n’est pas disciple de Lars von Trier et Thomas Vinterberg qui veut) mais elle osait davantage l’ambiguïté. Dans Open Hearts et surtout dans Brothers, la fatalité agissait comme un diamant sur le miroir des apparences. Une fois brisé, ce dernier laissait briller les clairs-obscurs. Ici, les nuances disparaissent sous les feux de la caméra. Caméra d’ailleurs braquée à hue et à dia sur les ruines d’un Dogme qui cède son vu de réalisme à l’afféterie. De l’ascèse originelle suivie à la lettre dans Open Hearts et habilement détournée dans Brothers ne subsistent en effet que les lumières incertaines et les mouvements hachés. Susan Bier vient de tourner son dernier film, Things We Lost in the Fire, sous la tutelle hollywoodienne. Pas vraiment surprenant.
6 septembre 2007