Critiques

Amreeka

Charian Debis

par Helen Faradji

Mouna vit en Palestine. Mouna reçoit une carte verte pour aller vivre aux Etats-Unis avec son fils. Mouna s’installe chez sa sœur dans un trou paumé en Illinois. En soi, le scénario d’Amreeka reste d’une simplicité volontaire déconcertante. Mais c’est avec finesse que la cinéaste Charian Debis parvient à se servir des propres faiblesses de son récit pour signer un premier film séduisant.

Car, oui, Amreeka, lauréat du prix de la critique internationale lors de son passage à la dernière Quinzaine des réalisateurs et sensation du dernier festival de Sundance, est un conte de fées. Une histoire qui se finira bien. Une fable sans épine sur l’intégration, l’identité et le déracinement qui n’hésitera pas à enfoncer plusieurs portes ouvertes (le racisme, c’est mal, tous les arabes ne sont pas des terroristes, etc…) et dont les ficelles n’auront pas peur d’être apparentes. Un film situé en pleine folie guerrière Bushienne, mais bien davantage porté par l’optimisme et l’espoir d’une Amérique meilleure. Le vent Obama a aussi soufflé sur le cinéma indépendant américain.

Naïf? Oui. Candide? Tout autant. Le chemin de l’American Dream est peut-être parsemé de plus d’embûches qu’auparavant, mais il reste accessible à ceux dont le cœur est pur et généreux. La bienveillance, l’ouverture à l’autre, la chaleur humaine sont des armes puissantes. Même la Palestine d’Amreeka est un lieu que l’on quitte davantage par lassitude que par effarement horrifié. On n’y chante peut-être pas la mélodie du bonheur, mais si tout le monde y mettait du sien, on pourrait.

Sur le papier, tout cela pourrait vite agacer, faire rejeter cet optimisme forcé du revers de la main. Mais Charian Debis mise, avec raison, sur deux atouts de taille pour transcender l’innocente joliesse de son script : sa mise en scène et ses actrices. Quasi-documentaire, portée par une réelle énergie, sa réalisation empreinte en réalité la voie de la douceur et de la banalité, plutôt que celle de la stigmatisation sensationnaliste et misérabiliste. Les héros d’Amreeka n’ont rien d’exceptionnel : ils sont quelques milliers, chaque jour, en Amérique, à devoir batailler avec le sourire pour s’inscrire dans la norme. Et ce sont eux que filme avec une empathie significative Debis, elle-même d’origine jordanienne, à travers le personnage de Mouna. Ces milliers d’anonymes qui chaque jour luttent en silence, sans un mot plus haut que l’autre, qui chaque jour cherchent leur place sans se faire remarquer. Sans sensiblerie, sans forcer le trait non plus, c’est à eux que la cinéaste rend hommage avec sensibilité, les représentant par la même occasion par une actrice formidablement attachante. Faisant face à la toujours impeccable Hiam Abbass (La fiancée syrienne, Les citronniers, avec lesquels Amreeka partage son réalisme tendre), Nisreen Faour s’y révèle en effet, chargeant le film d’une chaleur humaine et d’une sincérité pour le moins irrésistibles. Son regard plein d’un émerveillement perpétuel, la puissance de son rire, le charme de ses gestes et de sa détermination, sa présence lumineuse sont à eux seuls les arguments les plus solides de ce plaidoyer ingénu et attachant pour un meilleur vivre ensemble.


29 octobre 2009