An Education
Lone Scherfig
par Bruno Dequen
Londres, 1961. Jenny, 16 ans, est une jeune élève brillante. Passionnée de culture française, elle étudie avec ardeur dans le but d’entrer un jour à la prestigieuse université d’Oxford. Mais ce rêve n’est pas tant le sien que celui de son père, qui voit dans cet avenir le seul moyen de sortir enfin sa fille de la basse classe moyenne à laquelle ils appartiennent. Sa rencontre avec David, jeune homme charmeur et bohême, devient alors un moyen pour elle de s’ouvrir à un monde et à une culture dont elle a jusque là été privée. Mais cette liberté ne sera pas celle qu’elle croit.
Sur papier, le projet avait tout pour faire saliver. La représentation d’une époque charnière peu représentée au cinéma. Les balbutiements d’un féminisme à venir. La genèse d’une révolte culturelle menée par la jeunesse. Et le tout scénarisé par le gourou de la fiction pop, Nick Hornby (High Fidelity). Sur l’écran, le film ne manque d’ailleurs pas de charme, à l’image de son actrice principale, Carey Mulligan, qui semble être le fruit d’un croisement improbable entre la grâce et la spontanéité d’Audrey Hepburn et le physique de Katie Holmes. Sa merveilleuse performance vaut à elle seule le détour, d’autant plus qu’elle est soutenue par une belle troupe d’acteurs comprenant entre autres Alfred Molina, Olivia Williams et Emma Thompson. De plus, les moyens de production manifestement conséquents ont permis à la réalisatrice de se payer une reconstitution luxuriante du Londres de l’époque.
Mais paradoxalement, ce sont ces mêmes qualités de production qui nuisent finalement à la profondeur du film. Car tout est beau, clair et lisse comme un coûteux feuilleton télévisé ici. Au lieu de vivre’ cette époque apparemment passionnante, nous devons alors nous contenter d’en observer la surface. Les ramifications de telles pistes narratives auraient bénéficié d’un traitement plus personnel et sur le vif. Et la superficialité du tout surprend d’autant plus que Lone Scherfig, qui avait notamment réalisé Italian For Beginners, avait prouvé sa capacité à générer un certain réalisme et une fraicheur dans sa mise en scène. Désormais récupérée par le système, la Danoise nous propose avec An Education une jolie peinture par numéro. Ce n’est pas désagréable, mais Jenny méritait mieux. Le classicisme distant du film peine à représenter la complexité du parcours émotionnel de cette superbe femme-enfant. Son évolution, de la douce rébellion passive et sentimentale à l’affirmation d’une individualité farouche et raisonnée, n’est rendue possible que par une hypersensibilité unique que la distance esthétique traite malheureusement comme un concept.
22 octobre 2009