Critiques

Après la noce

Suzanne Bier

par Juliette Ruer

Parce qu’ils habitent au Nord, parce que le dogme, parce que Lars Von Trier, parce que Pelle le conquérant, on a tendance à coller aux Danois une image cinéma glaciale, oubliant Italian for Beginners (un dogma pourtant, signé Lorne Scherfig), Le festin de Babette de Gabriel Axel et les films pour enfants. Avec Suzanne Bier, on a le sérieux d’une histoire très bien racontée, mais un paquet d’émotions en gros plan qui n’ont rien de glaciales. C’est même du mélo solide. En vraie conteuse, cette fille sait nous embarquer sans nous lâcher. Dans Open Hearts, dans Brothers, elle avait déjà montré un goût pour les récits imbriqués et touffus, où plusieurs personnages principaux arrivaient à un point de non-retour, devant choisir un chemin sans se tromper.

C’est ce que doit faire Jacob (Mads Mikkelsen), un bosseur de l’humanitaire à Bombay qui se bat pour garder son orphelinat ouvert. Un mystérieux donateur le convoque au Danemark et l’invite au mariage de sa fille. On verra qu’il n’y est pas convié par hasard. Le talent de la réalisatrice est d’emprunter un chemin classique au départ, de placer des personnages dans des cases précises (l’humanitaire revenu de tout, le petit orphelin qui ne peut vivre sans lui, le richissime homme d’affaire plein de morgue, sa fille pot de fleur, etc.) et de tout faire basculer tranquillement au rythme des révélations et de la psyché humaine, qui est parfois lente à se retourner et à assimiler les nouvelles donnes. Surtout si elles sont fracassantes.

On se retrouve alors devant un film qui aime ses personnages. Jamais simples, jamais unicellulaires, les humains chez Suzanne Bier sonnent vrais. Très justes dans leurs réactions. Ce qui doit être un vrai bonheur d’acteurs devient un plaisir de spectateur avec des dialogues fournis et des comportements étudiés à la loupe. Suzanne Bier aime d’ailleurs beaucoup les plans macros de l’œil humide de l’humain larmoyant!

Ensuite, tout est question de goût. Si l’approche morale insistante de Suzanne Bier ne vous fait ni chaud ni froid, c’est tout bon. Car elle construit toujours ses films autour de la quête du bien et du mal. D’autres le font avec plus de nuances et de façon moins évidente. Avec elle, c’est le cœoeur de la question, du message et de l’empreinte à laisser dans la tête du spectateur. Cela fait d’excellents mélos.

 


11 mai 2007