Critiques

Australia

Baz Luhrmann

par Juliette Ruer

S’il y a au moins un élément frappant dans Australia, le dernier film de Baz Luhrmann, c’est de constater le chemin parcouru. Par le cinéma, par nos valeurs, par nos rapports à l’art et à l’image. Les changements sont tellement importants qu’il n’est même pas sûr que l’on soit capable de bien parler de ce film-là aujourd’hui!

Voila un film tout neuf où tout est vieux; un film qui aurait digéré tous les Autant en emporte le vent et les Mogambo du 7ème art. Pas à la façon de Titanic, une production avec un dynamisme actuel, mais plutôt dans le ronflant ronronnant de Pearl Harbor. Pour un peu, en traduction française d’Australia, on s’attendrait à ce que les voix aient la gouaille pointue des actrices d’avant-guerre et que les fiers indigènes parlent comme dans Tintin au Congo…: Ma’am Sca’lett! Ma’am Sca’lett!

Luhrmann s’est fait plaisir, il a réalisé le film qu’il regardait quand il était petit et qui lui a donné l’envie de s’y coller. Pour lui, cinéma égal rêve en technicolor, et c’est vrai que ce monsieur a le don du merveilleux sur grand écran. Moulin Rouge et Roméo + Juliette, c’est du fastueux.

Là, nous avons Ken et Barbie dans l’Outback, Hugh Jackman et Nicole Kidman qui sont dignes d’une couverture embossée d’un roman à l’eau de rose américain. Ils sont hallucinants ! Heureusement qu’ils savent jouer, car on a vraiment droit à des baisers de cinéma a) sur fond de soleil couchant avec violons, b) sur fond de pluie diluvienne apparue d’un coup, et c) en retrouvailles tellement attendues que zéro émotion. Ils sont les descendants d’un Victor Mature et d’une Deborah Kerr,  avec chirurgie plastique en sus pour madame.

C’est un film de vaches et de vachers. Un western de l’époque Geant. Il y a des plans en hélico au dessus des déserts, des avions qui attaquent, un métis attendrissant, des enfants orphelins, un vieux sage mystique, des méchants avides secondés par des brutes serviles, des pimbêches, un alcoolo sympathique, un stampede, un frère de sang, et au ralenti, comme dans une pub de shampooing, Hugh Jackman qui se lave les pectoraux (en jean mouillé, c’est normal). Et ça dure comme ça sur plus de 2 heures trente.

C’est beau, mais au premier degré de la naïveté. Et si les plus jeunes vont fuir ou ronfler, les plus vieux spectateurs auront le droit de retomber en enfance, parce qu’ils ont été gavés au cinéma candide, aux envolées de Laurence d’Arabie et de Ben Hur et aux roucoulades de From Here to Eternity et de Love is a Many Splendored Thing. Mais encore là, ce n’est pas gagné. Le pari de Luhrmann est dingue, les épopées assomment à leur sortie et vieillissent souvent mal. Pour supporter le poids du grandiose et traverser le temps, il faut s’appeler David Lean.

 


27 novembre 2008