Bamako
Abderrahmane Sissako
par Philippe Gajan
Synopsis : Bamako. Melé est chanteuse dans un bar, son mari Chaka est sans travail, leur couple se déchire … Dans la cour de la maison qu’ils partagent avec d’autres familles, un tribunal a été installé. Des représentants de la société civile africaine ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque mondiale et le FMI qu’ils jugent responsables du drame qui secoue l’Afrique. Entre plaidoiries et témoignages, la vie continue dans la cour
« C’est en cela que la création artistique est utile, – non pas pour changer le monde, mais pour rendre l’impossible vraisemblable, comme ce procès des institutions financières internationales.» – Abderrahmane Sissako
Dont acte En inventant ce plus que hautement improbable procès aux Fonds Mondial International, Banque mondiale et autres chiens de garde des finances mondiales, Sissako se fait le chantre d’un continent exploité, victime de ses richesses. Et il le fait à sa manière, c’est à dire de façon plurielle en entrelaçant des scènes de la vie quotidienne à la manière du documentaire (la teinture des étoffes à ciel ouvert), des histoires personnelles et ce procès parabole où juges impertubables voient se succéder procureur et avocats en robes noires mais surtout les témoins, simples citoyens, foule bigarrée aux accents lyriques.
Certes, on pourrait balayer de la main cet essai que l’on taxerait un peu rapidement de naïf. Mais Sissako, cet ancien élève du VGIK, élèbre école de cinéma de Moscou ,et dont la renommée de cinéaste n’est plus à faire (En attendant le bonheur, La vie sur terre) se pare à dessein de la naïveté des grandes utopies et réussit le plus important : donner une voix africaine aux africains. Il n’est pas le premier, bien des poètes, des écrivains, des musiciens, l’ont fait avant lui. Des cinéastes aussi, que l’on pense au grand Ousmane Sembène ou au malien Souleymane Cissé. Mais dans l’état actuel des choses alors qu’un nombre infinitésimal de films africains fréquentent nos écrans, Bamako, qui ouvrait le jeune Festival de films sur les droits de la personne de Montréal, est plus que le bienvenu.
Même si on a le sentiment que le film s’adresse plus aux occidentaux prompt à embarquer dans le véhicule de l’indignation et de la bonne conscience, qu’aux africains que peu sans doute auront l’occasion de voir, Bamako est un film profondément africain qui se situe justement à des lieues d’une vision occidentale dont d’ailleurs il fait également le procès avec un certain humour, fustigeant au passage le côté paternaliste, c’est peu de le dire, de cette vision. Bamako n’est pas une ONG, c’est un film digne et émouvant qui substitue aux images de famines ou de guerre, un peuple qui se tient debout.
29 mars 2007