Be Kind, Rewind
Michel Gondry
par Helen Faradji
Peut-on, aujourd’hui encore, faire des films aussi naïfs que Be Kind Rewind? On est en tout cas en droit de se poser la question devant ce nouveau film de Michel Gondry, clippeur adulé reconverti en cinéaste (Human Nature, Eternal Sunshine of a Spotless Mind, La science des rêves), fable innocente et candide aux faux accents de retour aux sources.
Peut-on vraiment, aujourd’hui encore, croire aux contes de fées doux et sucrés? Le cynisme, le désenchantement n’ont-ils pas eu la peau de nos rêves de cinéma? Peut-être. Mais Be Kind Rewind ne suffira pas totalement à nous redonner la foi.
Car Be Kind, Rewind est un film non seulement extrêmement naïf, mais plus encore, nostalgique. De ces deux hurluberlus décidés à recréer les films les plus « marquants » du cinéma sur VHS (Ghostbusters, Miss Daisy et son chauffeur ou Le roi lion!) puisque les versions originales de celles-ci ont été effacées jusqu’à cette bourgade du New Jersey, Passaic (ça ne s’invente pas) où officient ces doux-dingues, tout respire en effet le bon air d’un temps meilleur, d’une petite Amérique pauvre mais attachante, d’un ailleurs mythifié où tout le monde serait beau, tout le monde serait gentil. Oh, bien sûr, il y aura des obstacles, mais que peuvent les embûches contre la solidarité, la générosité, l’entrain de toute une communauté à l’uvre pour le bien commun?
Mais si Be Kind Rewind distille ce parfum gentil et désuet d’un antan imaginaire, d’un cocon festif et chaleureux où tout est possible, il ne parvient pourtant pas à tenir ses promesses. D’abord parce que Gondry se tient au bord du potentiel comique de son film (Jack Blake, bien sûr, mais aussi ces fameux remakes-bouts de ficelles dont le peu que nous voyons ne parviennent qu’à nous donner l’eau à la bouche), sans jamais réussir à y plonger franchement. Plus étonnant ensuite, parce que le cinéaste chéri des foules dont on admire d’habitude l’astuce et l’habileté n’y fait preuve que d’une inventivité visuelle mesurée, pour ne pas dire tristounette. Rien ne dépasse dans Be Kind Rewind, rien ne déborde, rien n’enchante véritablement. Le tout reste alors charmant, comme l’on peut trouver les historiettes d’enfant charmantes, la déclaration d’amour à une vision du cinéma primitive et amateure reste mignonne comme tout, mais le film, lui, n’atteint jamais véritablement ce point où la fiction fabule pour mieux nous laisser captifs et enivrés. C’est d’ailleurs là sa plus grande naïveté.
21 février 2008