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Critiques

Before the Devil Knows You’re Dead

Sidney Lumet

par Helen Faradji

Il faut un culot et une audace époustouflants pour réaliser à 84 ans, un film comme Before the Devil Knows You’re Dead. Sidney Lumet, qui n’est plus à un coup d’éclat près (12 Angry Men, Serpico, Network ou Dog Day Afternoon pour ne citer qu’eux) , prouve qu’il en est pétri avec ce 45ème film en forme de polar bluffant et vénéneux.

L’intrigue simplissime tiendrait presque sur un billet de banque : deux hommes décident de braquer une bijouterie familiale dans un centre commercial. Une intrigue sur laquelle des milliers de polars ont fait leur lit, en en étirant parfois la sauce inutilement, en en sur dimensionnant aussi artificiellement les enjeux. Mais Lumet, lui, a bien compris que sur ce terreau devait naître autre chose. Autre chose comme une tragédie familiale tendue, mâtinée de mélodrame intelligent. Car l’un des deux braqueurs exécute en réalité un plan élaboré par son propre frère tandis que la bijouterie en question appartient à leurs parents. Petit twist acidulé pour dérapage criminel intense.

La famille, le crime : deux des mamelles les plus nourricières auxquelles s’est abreuvé le cinéma de Lumet. Mêlant ici les deux, le cinéaste suit alors en alternance les points de vue des 4 membres de la famille avant et après le braquage dans une mise en scène d’une précision et d’une ruse redoutables. Élégance du montage, rythme prenant, le polar étouffant claque comme un coup de fouet. Simple, net, efficace.

Tirant son titre d’un vieil adage irlandais (May you be in heaven…before the devil knows you’re dead), le film tisse ainsi la toile d’un véritable enfer anxiogène et glauque où peuvent véritablement exploser les interprétations fébriles d’Ethan Hawke, d’Albert Finney et de Marisa Tomei. Mais aussi, et surtout, de Philipp Seymour Hoffman en grand frère mal dans sa peau, véritable machine de précision dont Lumet joue ici avec la maestria d’un virtuose.

Portrait cynique d’une Amérique dépressive et amorale, Before the Devil Knows You’re Dead souffre peut-être de quelques longueurs et d’une musique trop appuyée. Mais c’est sur un plan final aussi grandiose que malsain les faisant rapidement oublier que se conclue admirablement cette incroyable leçon de jeunesse donnée par un maître du genre.

 


17 avril 2008