Brand Upon the Brain!
Guy Maddin
par Juliette Ruer
Pour évaluer le potentiel énergétique, imaginatif et délirant du cerveau de Guy Maddin, il faudrait procéder à une auscultation médicale poussée. Ou voir tous ses films, y compris ses innombrables courts. Il est certes battu par quelques gros calibres asiatiques qui arrivent à peine à canaliser leur flot imaginatif dans un seul médium, mais Maddin n’est pas loin! L’homme de Winnipeg est un créateur unique en son genre, mélange de Méliès, Chaplin et Dreyer. Avec une dose des Brothers Quay, de Murnau et la poésie d’un Fellini nordiste.
Ses films tournent autour des mêmes obsessions (aliénation familiale, sexualité versus innocence, les femmes de tous âges, l’oubli et le souvenir, quelques transformations physiques, et lui, au centre de son univers) et ils sont travaillés dans ce langage des 30 premières années du cinémascope, celles du film muet, avec inserts et chapitres, éclairage dramatique et narration visuelle; alliant les farces des premières comédies aux tensions de l’expressionnisme allemand. Mais revisités dans l’esprit Maddin, on est dans le moderne absolu.
Dans ce cadre précis, l’imagination explose chaque fois, repoussant plus loin les folies de ce diable de conteur. Après les jambes en verre remplies de bière d’Isabella Rossellini dans The Saddest Music in the World et un vampire nippon dans Dracula, voici des orphelins avec un trou dans la tête, bizarrement robotisés par un couple diabolique. Brand upon the Brain!, c’est tout l’art du conteur visuel qu’est Maddin : impossible de baisser les yeux de l’écran de peur de perdre un élément clé, car tout arrive à chaque seconde. Scotché à l’écran, on embarque dans le conte qui fait appel aux fantasmes d’un docteur Moreau et à l’intrigue d’un vieux livre de détectives pour adolescents.
Quelques commentaires audio, 12 chapitres et beaucoup d’inserts, une bande musicale de violons et une bande sonore qui crachote comme un vieux gramophone, tout cela vient supporter un montage effréné comme il n’en a jamais fait, au point que la rétine se demande si elle tiendra. Maître du métronome, le magicien freine, ralentit et use de répétitions, de superpositions, de cadrages dramatiques. Le film passe directement dans le coin du cerveau étiqueté « compréhension instinctive », sans passer par la case « analyse rationnelle ». En bref, c’est dément, futuriste, important et splendide. Ou complètement futile.
27 septembre 2007