Camille redouble
Noémie Lvovsky
par Éric Fourlanty
Comme le chantait Streisand, la semaine dernière, à Montréal, « If we had the chance to do it all again, tell me, would we? Could we? ». Au cours des âges, bien avant l’avènement de la science- fiction (et de The Way We Were!), les philosophes et les mythologies d’est en ouest se sont interrogés sur la nature du destin, plus tard relayés par Ray Bradbury (Un coup de tonnerre), Coppola (Peggy Sue Got Married) et même Alain Resnais (Vous n’avez encore rien vu) qui se sont demandé, chacun à leur manière, « Si nous pouvions retourner dans notre passé, pourrions-nous le changer? ».
Avec ce ton mi-fleur bleue, mi-cynique qui en fait une cinéaste unique dans le cinéma français, Noémie Lvovsky s’est posé la question dans cette comédie mélancolique, applaudie à la dernière Quinzaine des réalisateurs et qui ressemble plus à un film de Klapisch qu’à une pochade de Penny Marshall.
Quadragénaire orpheline, vaguement actrice, flirtant avec l’alcoolisme et en instance de divorce, Camille (Noémie Lvovsky) accepte l’invitation à un réveillon qu’une copine de collège lui a lancée. Peu avant minuit, notre Cendrillon passablement éméchée tombe dans les pommes et se réveille, après une nuit de cuite, sur un lit d’hôpital, ses parents à son chevet (Yolande Moreau et Michel Vuillermoz). Elle a de nouveau 16 ans. Elle va donc au lycée et y revoit ses copines, ses profs et le futur père de sa fille (Samir Guesmi), sachant que celui-ci la plaquera 30 ans plus tard. Que doit-elle faire? Assumer, telle Sissi face à son destin? Ou faire dérailler la fatalité en séduisant un prof de sciences (Denis Podalydès) à qui elle confie son secret? Sur une note plus grave, pourra-t-elle empêcher sa mère de succomber à un anévrisme alors qu’elle sait déjà quand il surviendra?
Avec ses airs de remake de Peggy Sue Got Married, Camille redouble a, sur papier, tout du film high concept. Pourtant, d’un strict point de vue hollywoodien, la cinéaste ne joue pas le jeu et gaspille ses billes en ne pressant pas comme un citron sa prémisse de base. Une fois celle-ci posée (d’ailleurs sans aucune explication), on en oublie presque le décalage entre les deux époques. Les décors, les accessoires et les costumes sont pile-poil eighties mais la cinéaste n’en fait jamais un enjeu comique. L’essentiel est ailleurs, dans cette sensation aiguë qu’a l’héroïne d’être en dehors de sa vie, cette fois-ci réellement. Sous le regard de la scénariste-cinéaste-interprète, ce voyage dans le temps devient une odyssée strictement personnelle. Aucun contexte socio-politique ici : la France de Mitterrand n’est jamais discutée, aucune mention de la montée du Front national (alors que le « futur mari » est visiblement beur ) et le sida n’est pas évoqué. Nous sommes dans le journal intime d’une jeune fille de classe moyenne, complètement immergée dans sa vie sentimentale et familiale.
Le coeur du film, ce qui l’ancre et lui donne son âme, c’est Noémie Lvovsky. Devant la caméra, elle parvient à nous faire croire avec une aisance déconcertante à sa Camille adolescente, sans jamais sombrer dans la caricature ou le ridicule. Derrière la caméra, elle garde le cap entre l’artifice et la sincérité, la légèreté et la nostalgie. Un feel good movie à la française, ça fait du bien!
La bande-annonce de Camille redouble
24 octobre 2012