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Critiques

Casino Royale

Martin Campbell

par Helen Faradji

Aussi régulièrement que reviennent les saisons, la franchise James Bond vient déposer son nouveau-né à nos portes. Parfois, pour se distraire, on y jette un œil amusé. Souvent, par ennui, on éteint sa télé.

Il faut dire que James a bien changé depuis sa naissance cinématographique en 1962. Aventurier exotique, espion au charme ravageur et à l’ironie toute britannique, notre homme a en effet vu son univers se peupler peu à peu de gadgets inutiles et de récits de plus en plus farfelus. Que fallait-il donc à James pour devenir plus que ce sempiternel film d’aventures technologique et radotant?

Un retour aux sources! Et voilà exactement à quoi parvient Casino Royale, dernier épisode en date, et 21ème, de la série réalisé avec l’énergie souhaitée par Martin Campbell (déjà à la barre de Golden Eye en 1994). Situé chronologiquement avant que James ne devienne Bond et ne gagne ses galons de 007, mais après les attentats du 11 septembre, Casino Royale opère en effet un revirement des plus sympathiques. Dehors les inventions toujours plus impossibles et les explosions spectaculaires : ici, ce sera plutôt à la force d’un jeu de cartes que James devra parvenir à rétablir l’ordre planétaire menacé par un diabolique et intriguant Le Chiffre (le danois Mads Mikkelsen) et grâce à d’haletantes poursuites à pieds qu’il achèvera ses ennemis. Fini aussi les héros lisses, propres et au-dessus de tout soupçon avec un Daniel Craig (Layer Cake) en borné qui n’en fait qu’à sa tête. Hérésie, un James Blond, criaient certains à l’annonce de son embauche. Coup de génie plutôt, diront maintenant ceux qui se sont laissés prendre au charme rugueux de ce mauvais garçon incroyablement baveux. Car Daniel Craig, non content de ne pas avoir la tête de l’emploi (on l’aurait volontiers mis dans la catégorie assassin psychopathe du KGB), apporte également une nouvelle dimension au rôle, une épaisseur psychologique faite de failles et de doutes qui lui manquait singulièrement.

A bien y regarder, l’on serait même tenté de poser la question : ce Casino Royale n’est-il pas le premier James Bond construit pour faire tilter les esprits féminins? Depuis ses débuts, la série présentait en effet un héros entièrement composé pour servir de mythe à la psyché masculine : courageux, héroïque, casanova : tous les ingrédients étaient là pour faire fantasmer les petits et les plus grands garçons avec cette figure du prince revampé à la sauce moderne.

Mais voilà que Daniel Craig fait quelque peu dérailler cette belle image. Vantard, fier, rebelle et – enfin- amoureux, il apparaît comme un modèle de ce qui peut faire dérailler les filles. Il faut le voir sortir de l’océan en tout petit maillot de bain, inversant parfaitement l’image devenue d’Épinal de la belle Ursula Andress en bikini blanc. Il faut le voir jouer de sa virilité canaille devant une Eva Green qui n’en croit pas ses yeux. De James Dean en blouson noir au cœoeur tendre à ce James Bond maverick, il n’y avait qu’un pas que Casino Royale a franchi. Grand bien lui en a pris.


14 mars 2007