Charlie Wilson’s War
Mike Nichols
par Helen Faradji
Sans que l’on comprenne tout à fait pourquoi, le cinéaste Mike Nichols n’a jamais réellement goûté au succès qu’il aurait pu avoir. Bien sûr, on pourrait évoquer un parcours en dents de scie, parsemé ci et là de pièces maîtresses (Who’s afraid of Virginia Woolf son premier, en 1966, The Graduate, Primary Colors, Closer ). On pourrait aussi parler de sa versatilité, de son apparente facilité à pénétrer tous les genres sans jamais se laisser catégoriser. On pourrait trouver mille et une raison, mais aucune n’expliquera vraiment cette apparente discrétion.
Pourtant, Mike Nichols, en plus du classicisme élégant qu’il sait apporter à chacune de ses mises en scènes, aurait du mériter sa place au soleil : réussis, ses films sont de vrais petits bijoux de finesse psychologiques.
Charlie Wilson’s War, dont la sortie en salles fut quelque peu timide, fait heureusement partie de ces perles rares. Adapté du roman de George Crile par Aaron Sorkin (créateur de la série West Wing), et relatant l’histoire vraie de Charlie Wilson, le délégué de la seconde circonscription du Texas dans les années 80, le film nous entraîne dans les antichambres du pouvoir, là où se sont vraiment décidés les tenants et aboutissants de la guerre en Afghanistan.
Aidé d’une riche bourgeoise anticommuniste (Julia Roberts) et d’un agent de la CIA (Philip Seymour Hoffman toujours aussi impressionnant), Wilson, un homme plus connu pour son amour du whiskey et des jolies filles (Tom Hanks, parfois pris en flagrant délit de cabotinage), parviendra pourtant à nouer une alliance avec le Pakistan, Israël et l’Égypte pour contrer l’invasion soviétique. Un improbable pensum politique que Nichols observe à hauteur d’hommes, personnalisant chaque geste, chaque décision géo-stratégique sans pourtant ne jamais céder aux sirènes de l’émotion facile.
Mis en scène avec un dynamisme et une énergie rappelant l’âge d’or de la grande comédie américaine, le cinéaste joue alors des ombres et lumières pour mieux mettre en valeur ses personnages et leurs réparties brillantes. La satire féroce n’est pas loin, mais est également sans cesse contrebalancée par un idéalisme démocratique sincère et touchant (on reconnaîtra la touche de Sorkin). Pourtant, si le film plonge sans faux-semblants dans ces temps pré-cyniques, il n’oublie pas de se conclure sur une note plus pessimiste : celle du futur. Et comme l’explicitera une note de Wilson placée en conclusion : on a peut être gagné la guerre, mais « We fucked up the endgame ». Richesse, justesse, honnêteté : non, décidemment, Mike Nichols n’a pas tout à fait le succès qu’il mérite.
24 avril 2008