Coco avant Chanel
Anne Fontaine
par Helen Faradji
À bien regarder Coco avant Chanel, biopic de l’illustre mademoiselle, on s’aperçoit bien vite du syndrome La Môme qui semble frapper tout un pan du cinéma français. Un who’s who des acteurs locaux en guise de secondes rôles (ici Emmanuelle Devos ou Marie Gillain), une figure iconique de la culture française (qui débute évidemment son parcours dans un orphelinat, en bonne Cosette du peuple), un réalisateur que l’on ne pouvait soupçonner d’académisme : et que vogue la galère (et les éventuels oscars). Mais avec Coco, adapté par Anne Fontaine (Nettoyage à sec, Entre ses mains) de L’irrégulière d’Edmonde Charles-Roux, c’est rapidement à fond de cale que l’on se retrouve.
Coco, donc, alias Gabrielle Chanel, sa vie, son uvre, ses pépins, mais surtout ses amours. Résolument sentimentale, cette biographie de la reine de la petite robe noire éclipse en effet en moins de temps qu’il n’en faut pour cacher un faux pli tout ce qui pourrait avoir un lien avec le métier de la belle. Tout le monde connaît sa mode, son sens de l’élégance, son raffinement, pas besoin d’y revenir. Le temps-écran sera bien mieux occupé par ses divagations sentimentales. Coco aurait été naturellement douée pour la plomberie qu’on aurait eu grosso modo le même film. À part peut-être pour les jolies robes. Comme dans un roman-photo sur papier glacé, Anne Fontaine aligne alors les vignettes et autres tranches de vies en n’en gardant que le suc le plus émotif, le moins significatif. Coco la malheureuse, Coco la cocotte, Coco l’oisive entretenue, Coco la rebelle, Coco l’amoureuse : tout y passe sans qu’une fois, le film ne prenne la peine de dire quoi que ce soit, se contentant d’illustrer platement chacun de ses états d’âme dans une Belle Époque de carton-pâte. Pour l’indépendance de cette femme exceptionnelle qui fut une des premières à monter son entreprise dans un monde masculin, pour son autonomie, son courage, sa vision, il faudra voir un autre film (peut-être celui de Jan Kounen, que ce Coco avant Chanel donne furieusement envie de découvrir).
Pas de scénario, donc, mais pas plus de hors champ ou même d’arrière plan, ni de mise en scène, ni encore de direction photo, celle-ci ne se démarquant jamais d’un téléfilm de prestige qu’on croirait réalisé en 1992. Devant tant de vide, tant de creux, d’artifice rococo, restait alors, on l’espérait, les acteurs. Si Benoît Poelvoorde tire son épingle du jeu en protecteur au portefeuille bien rempli et au cur fondant, la jeune Audrey Tautou fait pourtant montre des limites de son jeu. Charmante, personne n’en doutera, portant avec une grâce certaine les tombés Chanel, elle ne parvient pourtant jamais à donner une densité quelconque à sa Coco, la laissant arborer une moue acariâtre comme seul signe d’une rébellion contre les conventions de son temps et espérant visiblement que son charisme de petit moineau tombé du nid fera le reste. Voilà qui est un peu court. Voilà qui clôt une bonne fois pour toutes le chapitre Amélie Poulain.
24 septembre 2009