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Critiques

Continental, un film sans fusil

Stéphane Lafleur

par Juliette Ruer

Un homme qui dormait dans l’autobus, se réveille. L’autobus est arrêté en bord de route, près d’un bois. C’est la nuit. L’homme sort du bus… et s’enfonce dans la forêt. Ainsi commence Continental, un film sans fusil, premier long métrage de Stéphane Lafleur, monteur et co-fondateur du mouvement Kino. Lancé à la Mostra de Venise, couronné meilleur premier film canadien au dernier Festival de Toronto, il a remporté le Bayard d’or au Festival de Namur. Autant dire qu’il arrive auréolé…

Voila un petit film en forme de comédie humaine qui débute comme un conte. Or si la disparition de cet homme dans le bois restera jusqu’à la fin un mystère, c’est dans la réalité glauque (et bien absurde quand même) que vont se débattre 4 personnages, tous à un moment critique de leur existence. Car ces deux hommes et ces deux femmes sont dans la plus insoutenable pesanteur de l’être; celle qui bloque toute relation naturelle aux autres et qui englue chaque pensée et chaque geste.

Au bord du drame, on sait pourtant qu’on n’y basculera jamais; le ton est celui de la curiosité aimante. L’humain est excusé d’emblée, il n’a pas une once de méchanceté en lui, il est juste trop faible, trop gauche, trop con, trop mou, trop victime. L’ironie est loin d’être mordante et les dialogues n’ont donc pas de grinçant. Et dans un univers similaire, Les Voisins de Claude Meunier et Louis Saïa, Et que Dieu bénisse l’Amérique de Robert Morin ou quelques Denys Arcand fessent autrement plus fort.

Une ordonnance trop théâtrale, un découpage soigné de parties bien alignées n’altèrent pas le jeu excellent de la part de tous les acteurs, surtout de Gilbert Sicotte, Fanny Mallette, Réal Bossé et Marie-Ginette Guay. Et un film sans cacophonie musicale est un plaisir, comme si on y voyait plus clair. On y gagne peut-être aussi en poésie… Dans les bruits de la nuit qui passent par le téléphone, véritables call of the wild;  dans un lit d’eau qui ondule comme s’il avait le souvenir d’une mer plus agitée, et dans l’importance générale accordée aux sons communs, qui dans leur amplification, force parfois un burlesque à la Tati.

 


8 novembre 2007