Control
Anton Corbijn
par Helen Faradji
Au dernier festival de Cannes, le bruissement des murmures élogieux autour de ce film était presque assourdissant. On l’annonçait comme l’incarnation du renouveau du biopic, ce genre au mieux illustratif, au pire bêtement complaisant. Il était Le film à ne pas rater pour ne pas passer à côté de son festival. On n’aurait pas du écouter les rumeurs. Car malgré ses 2 prix (Regards Jeunes et Europa cinéma) et ses deux mentions spéciales (Caméra d’or, Prix Arts et essai), Control n’est en fait qu’un essai aussi stylisé que superficiel.
Premier long du photographe et clipeur (U2, Metallica, Coldplay) Anton Corbijn, Control plonge dans le Manchester des années 70 pour suivre les débuts dans la musique d’un jeune homme prometteur, Ian Curtis et de son groupe Joy Divison. Les garçons ont la provocation facile (le nom du groupe vient du titre donné au groupe de juives polonaises « utilisées » par l’armée allemande durant la seconde guerre mondiale pour satisfaire ses envies), le sens de l’accroche musicale et le ton nihiliste et désespéré qu’il faut. Tony Wilson, producteur mythique, les remarque et les signe, la New Wave est lancée. Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais Ian n’est pas heureux. Pire, il est rongé par un tel mal-être que vivre lui semble insupportable.
L’histoire est tragique. Mais Anton Corbijn n’est pas un tragédien. Et collant bout à bout une succession d’images hyper-composées, hyper-léchées, il ne parvient jamais à donner à son Control une profondeur suffisante pour susciter l’empathie. Au final, son Ian Curtis n’apparaît que comme un Droopy bien arrangé pour la photo, lâche, pathétique et rongé par un mal d’amour gnangnan. Exit le musicien et son rapport traumatisé à son art, bonjour le people et ses misères spectaculaires. La faute au scénario tiré du livre écrit par sa veuve qui avait visiblement encore quelques comptes à régler? Peut-être. Mais aussi la faute à une mise en scène en noir et blanc trop branchée donnant l’impression de feuilleter un livre de clichés en papier glacé, incapable de réellement s’approcher de son sujet, de faire saisir sa douleur. Seules exceptions notables : les scènes sur scène où Sam Riley fait vivre Ian Curtis avec une énergie vénéneuse si semblable qu’elle en devient hypnotisante. Là, le film flirte enfin avec une vérité rugueuse et dense qui lui fait par ailleurs cruellement défaut.
24 octobre 2007