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Critiques

DON’T LOOK UP

Adam McKay

par André Roy

Le huitième long métrage d’Adam McKay, Don’t Look Up, est une satire d’anticipation qui jette un regard cinglant sur notre monde qui va à sa perte, c’est-à-dire sur un monde au bord du gouffre, près de l’anéantissement à cause de l’impact prochain d’une comète géante. Son film est burlesque à souhait, survolté, caustique au centuple, multipliant les situations extravagantes qui n’altèrent pourtant pas la noirceur du propos : une Amérique déglinguée, dirigée par des irresponsables. C’est l’Amérique connue de Donald Trump qui se profile derrière ce faux suspense qui n’a aucune vertu pédagogique contrairement à ce qu’on pourrait être porté à croire. Don’t Look Up est une farce décrivant parfaitement les mœurs et coutumes déjantées de notre époque.

Le film se déroule à une telle vitesse qu’il semble impossible à arrêter, jusqu’à la catastrophe ultime annoncée. La comète a été découverte par deux astronomes, une candidate au doctorat, Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) et son directeur de recherche Randall Mindy (Leonardo DiCaprici). Le duo universitaire tentera de prévenir la présidente des États-Unis, Janie Orlean (Meryl Streep en avatar trumpiste), et son chef de cabinet, qui n’est autre que son fils, Jason Orlean (Jonah Hill, une sorte d’Ivanka au masculin), de la destruction de la Terre d’ici six mois et quatorze jours. Les deux scientifiques feront face à un aveuglement total des responsables politiques et médiatiques sur l’impact gigantesque de la comète. Toute cette cour politico-médiatique est peinte au vitriol, faisant de l’ensemble de ces gens des guignols et de cupides; on n’oublie pas qu’Adam McKay a signé un Vice (2019) ahurissant décrivant Dick Cheney et l’administration Bush comme un cloaque d’incompétents, et un The Big Short (2015) dépeignant l’anticipation de l’éclatement de la bulle financière à laquelle ne croient ni les banquiers ni le gouvernement, ni les médias – et dont la version politique serait en quelque sorte ce Don’t Look Up.

Le réalisateur pousse sa description des édiles américains au maximum de la dérision, critiquant ainsi un pays hypnotisé par les images qu’il produit : un flot continu d’information où tout se vaut. Kate et Randall sont des Candides dans un monde d’imbéciles qui n’en a que pour la gloire et l’argent. Le plus gros donateur de la présidente, Peter Isherwell (mélange d’Elon Musk et de Jeff Bezos), qui a découvert que la comète contenait des métaux précieux valant de milliards de dollars, met au point une mission pour la faire exploser en milliers de météores récupérables. Janie Orlean décide alorsde faire sa campagne de mi-mandat sur le thème « Don’t Look Up » (Ne regardez pas en l’air !).

C’est ainsi qu’au fil des situations, Adam McKay trace un tableau des us et coutumes des hauts responsables de l’Amérique, amis argentés et lobbyistes profiteurs, artisans médiatiques (télévision, Web, publicité) artificiels et pompeux, qui aliènent le peuple. Et il le brosse, surtout, vigoureusement, avec un sens du montage confondant, quasi godardien, créant un maelstrom d’images et de sons furieux pour dénoncer le climat de stupidité et de cynisme dans lequel vivent les Américains. Ce qui n’empêche pas le cinéaste de s’attarder sur des moments intimes, affectueux, comme dans les échangent entre Kate et son jeune amoureux (Timothée Chalamet) qui attendent, couchés, dehors, la catastrophe. Et elle a lieu (jamais de fin positive avec McKay). Avertissement: il ne faut pas rater le générique de fin, car deux scènes y ont été ajoutées, qui n’ont rien à envier à l’absurdité et à la folie des 143 minutes du film.


29 janvier 2022