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Critiques

Elle s’appelle Sabine

Sandrine Bonnaire

par Helen Faradji

Elle s’appelle Sabine. Elle a 38 ans. Elle aime nager, voyager, jouer au piano, manger des hamburgers Comme elle, ils sont des milliers, femmes et hommes, jeunes et vieux, à souffrir d’autisme. Si Sandrine Bonnaire ne les oublie pas, elle filme d’abord et avant tout sa sœur, Sabine, aujourd’hui et hier, à travers 25 années d’archives et de documents personnels. Des archives troublantes où l’on voit Sabine rire, danser, dopée à la malice et à la vie. Des archives d’avant qui ne cessent de mettre en miroir les dégâts considérables, inadmissibles, causés par le passage de Sabine dans une institution psychiatrique pendant 5 ans. Traitements non adaptés, soins défaillants : la jeune femme ne sourit presque plus. Elle hurle, elle a peur, elle est devenue sauvage. Dans une structure d’accueil spécialisé en Charente, elle a pris du mieux. Mais Sandrine, elle, sait toute la souffrance de sa sœur.

L’intime pour évoquer l’universel. Le petit pour parler du grand. L’individu pour mieux regarder le collectif. Mais aussi la musique empruntée à Journal Intime de Nanni Moretti, qui ne relève pas du hasard. Les commentaires graves et simples, qui nous aident à ne jamais détourner le regard de ce que la société préfère habituellement cacher. L’approche choisie par l’actrice qui réalise ici son premier documentaire est irréprochable. Tout comme l’est son ton, entre militantisme virulent, pudeur irrépressible et tendresse immense. L’honnêteté, la sincérité sont de chaque plan, de chaque cadrage. L’amour aussi. Dans ce qu’il a de plus pur, de plus droit, de plus juste. L’amour qui permet de comprendre chaque agacement, chaque colère, chaque emportement. L’amour qui se teinte sans cesse d’angoisse, apaisé parfois en quelques minutes par un éclat de rire. L’amour qui donne du courage.

Généreux et sans complaisance, Elle s’appelle Sabine est un film remarquable. D’abord par ce qu’il montre, sans faux-semblant, mais sans appel au voyeurisme non plus. Dans ses élans poétiques, son humanisme, sa lucidité. Dans son intégrité, sa dignité, son refus des états de faits aussi. Ensuite parce qu’on y découvre la sensibilité d’une cinéaste en train de naître. Et pas n’importe quelle cinéaste. Une de celles qui ont du coeœur. Ce qui est suffisamment rare pour être triplement souligné. Sandrine Bonnaire est une cinéaste admirable.

 


5 février 2009