Critiques

Fantastic Mr Fox

Wes Anderson

par Marco De Blois

Deux nouveautés ont frappé le cinéma l’an dernier : la stéréoscopie, dont Avatar a sûrement été l’exemple le plus fort, et le retour de l’animation traditionnelle dans le long métrage (et, qui plus est, de l’animation de marionnettes). Les exemples sont éloquents : 9.99 $, Coraline, Mary and Max, In the Attic, Panique au village et aujourd’hui Fantastic Mr. Fox, réalisé par un outsider.

Wes Anderson (Rushmore, The Royal Tenebaums, The Life Aquatic with Steve Zissou) n’est pas un animateur, mais une sorte de styliste et d’esthète accordant une attention soutenue à toutes les phases de la fabrication d’un film. Le long métrage devait être à l’origine animé par Henry Selick (The Nightmare Before Christmas, Coraline) avant que Mark Gustafson, un artisan moins connu, ne le remplace. Aux rênes de la réalisation, Anderson a choisi l’animation non pas comme défi (de toute façon, il n’a pas manipulé les marionnettes), mais parce qu’elle convenait au projet d’adaptation d’un conte et qu’il a pu trouver des références fortes dans sa mémoire de cinéphile. Ainsi, dans une interview au magazine Première, il revendiquait l’influence de Ladislas Starevitch (Le Roman de Renard, 1937) et de ses animaux anthropomorphiques sur le film. Le résultat en porte manifestement la trace : humanisation physique et psychologique des animaux, soin accordé aux surfaces (dont les fourrures), approche un brin caricaturale. De plus, l’intelligence du réalisateur a été de comprendre que l’image par image n’était pas incompatible avec son style racé (compositions symétriques, prises de vues frontales, présence insistante de l’écrit), son humour à la fois décalé et mordant, et qu’elle pouvait même porter ses principaux thèmes de prédilection (dont l’effondrement de la famille). Si l’animation de marionnettes est capable du plus grand raffinement, elle peut aussi avoir parfois une texture rugueuse. Fantastic Mr. Fox est un film qui laisse des échardes. C’est aussi un divertissement familial qui possède suffisamment de couches de sens pour plaire aux adultes. La satire acidulée du monde contemporain y est nettement perceptible.

Adaptation abracadabrante d’un conte de Roald Dahl publié en 1970, Fantastic Mr. Fox raconte les tribulations d’un renard, Mr. Fox, sorte de Royal Tenenbaum en version adoucie. Quand celui-ci est confronté à sa nature profonde, soit d’être un voleur et un mangeur de poules, sa vie et celle de son entourage sont mises sens dessus dessous. Le retour de l’instinct sème alors une joyeuse pagaille. La famille risque d’éclater, la communauté d’être anéantie, tandis qu’en filigrane se dessine une critique ravageuse du consumérisme et du capitalisme sauvage. Le film se déroule en Grande-Bretagne, mais l’Amérique n’est pas très loin. Ainsi, bien qu’ils s’expriment avec un accent britannique, les entrepreneurs agricoles ultraréactionnaires et armés jusqu’aux dents appartiennent au stéréotype redneck. De plus, le conflit ouvert déclaré à Mr. Fox et à sa bande emprunte aussi bien au film de guerre, au western qu’à l’histoire militaire des États-Unis. On y trouve ainsi des relents de la conquête de l’Ouest, du Vietnam et même de la Deuxième Guerre mondiale (par sa puissance, la destruction du terrier évoque Hiroshima). L’ensemble du film joue continuellement sur deux registres, émotion et dérision, ce qui évacue tout risque de dérapage vers le sentimentalisme (à ce sujet, l’image de la fin montrant le jeune garçon de la famille avec ce qui ressemble à du fard à lèvres violet ne manque pas de piquant…). Les enfants et leurs parents jubileront, parfois d’un esprit commun, parfois pour des raisons différentes.

Côté bonis, l’édition DVD est un peu chiche : deux courts reportages de sept minutes chacun, l’un sur l’adaptation du livre au film, l’autre sur le tournage, de même qu’un faux documentaire sur le « Whack-Bat » (un sport fictif auquel s’adonnent les personnages) et la bande-annonce. On consacrera donc toute notre attention au film.

 


1 avril 2010