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Critiques

Génération 101

Claude Godbout

par Helen Faradji

Briser le tabou autour de l’apprentissage et de l’utilisation du français au Québec, comprendre le lien qui unit les immigrants à leur terre d’accueil, tenter de comprendre une société et un peuple qui eux-mêmes ne semblent pas s’être encore tout à fait compris : les buts que se donne le documentaire Génération 101 de Claude Godbout sont nobles. Utiles. Admirables, même. Mais les bonnes intentions ne font pas nécessairement les bons films.

Dans les écoles et sur le terrain politique où s’expriment Akos, Ruba, Farouk et Daniel, le réalisateur et producteur Claude Godbout (L’homme multiplié) donne donc la parole aux hommes et femmes issus de l’immigration pour tenter de mieux définir l’identité québécoise. Épine dans le pied, s’il en est, du débat national, cette identité ne se révélera pourtant pas plus clairement. Il faut voir ce débat organisé dans une école entre élèves qui se sentent intégrés et ceux qui ne le sont pas. Il faut entendre leurs arguments, tantôt drôles, tantôt désemparés. Il faut écouter leurs paroles pleines d’espoir mais divisées pour bien saisir que la culture québécoise, pomme de toutes les discordes, semble un concept peut-être encore plus confus qu’au moment de l’adoption de cette fameuse loi 101, en 1977.

Bien sûr, certaines expériences d’intégration par le français ont réussi. Et Claude Godbout ne se lasse pas de filmer ces visages rayonnants, ces yeux débordant de fierté nationale, ces cœurs plus souverainistes que le pape. Pourtant, s’il laisse aussi la parole à ces jeunes qui avouent sans honte désirer poursuivre plus tard leurs études en anglais (et pouvoir ainsi trouver un travail), le cinéaste oublie d’apporter à son film le contre-champ qui lui aurait vraiment permis de scruter la question dans ses moindres détails : celui non seulement des allophones, mais également celui des québécois « de souche». Car le documentaire aux allures de reportage télé pêche exactement par ce qu’il dénonce : en n’ouvrant aucune porte entre ces communautés réellement scindées, en n’observant qu’un côté de la médaille, il reste aux abords d’un film qui aurait pu, enfin, exactement mettre le doigt sur le bobo. Ce qui, avouons-le, aurait été loin d’être inutile.


18 septembre 2008