Critiques

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Ulrich Seidl

par Rachel Haller

Que ce soit dans son œoeuvre documentaire (Models, Animal Love, The Last Real Men…) ou de fiction (Dog Days), Ulrich Seidl aime gratter les croûtes de la médiocrité et du désespoir. Quinquagénaires graisseux réunis par l’achat d’une femme sur catalogue, âmes esseulées accrochées aux poils de médor comme à une bouée, mannequins jetées dans la fosse aux lionnes, banlieues suintantes… il presse les plaies pour en faire sortir le pus. Avec une froideur comparable à celle de son compatriote Michael Haneke et une volonté de déranger égalée par quelques rares extrémistes tel Donigan Cumming. D’ailleurs, chez Seidl, la frontière entre documentaire et fiction s’estompe, puisque les procédés se rejoignent. Dans l’un comme dans l’autre, il met en scène des récits, les confie à des acteurs-témoins qu’il cloue dans des tableaux, points de mire du précipice.

Au vu de sa filmographie, son dernier opus (en compétition cette année à Cannes) apparaît  presque comme un apaisement. Non que le sujet soit moins désespéré, ou l’esthétique allégée, mais il y point une faible lueur. Dans leurs trajectoires inversées, – l’une fuyant la misère vers l’ouest, l’autre vers l’est -, les deux protagonistes butent contre le pire (la désespérance anonyme d’un hôpital gériatrique ou les ruines d’une société défunte) et parviennent à ne pas sombrer. Une gageure! Mais même en version un peu édulcorée, le cinéma d’Ulrich Seidl se reçoit encore comme un uppercut. Puissant et douloureux.

 


19 octobre 2007