In Treatment
par Bruno Dequen
Du lundi au jeudi, Paul Weston (Gabriel Byrne), un psychothérapeute dans la cinquantaine, reçoit ses patients chez lui. Le vendredi, il suit lui-même une thérapie auprès de son ancien mentor, Gina (Dianne Wiest). Chaque épisode (par tranche de cinq, un pour chaque jour de la semaine) présente en temps (presque) réel une séance de thérapie. Le concept est simple, la réalisation épurée (pas de musique, un décor unique et des champs/contre-champs) et le résultat magistral.
À l’instar des nombreuses séries prestigieuses qui lont précédée sur HBO (The Sopranos, Six Feet Under, The Wire, Deadwood), In Treatment tire sa force non pas tant du choix de son sujet (de Woody Allen à Tony Soprano, on ne compte plus les figures mythiques du grand et du petit écran qui sont passées sur le fameux divan) que de l’originalité de son traitement et de sa parfaite adéquation entre forme et contenu.
Avant tout, l’originalité d‘In Treatment niche dans le recadrage qu’elle effectue sur son sujet. Non seulement le psychothérapeute se voit-il enfin proposé un rôle principal, lui qui est d’habitude abonné aux seconds rôles marquants, mais la séance de thérapie elle-même est pour la première fois au coeur de l’oeuvre. Ce recadrage d’une simplicité déconcertante permet d’observer des scènes pourtant familières (une discussion entre patient et thérapeute) d’un regard neuf et de générer une véritable réflexion (à travers les remises en question du thérapeute) sur la pratique et l’utilité même de la psychothérapie.
Cette nouvelle perspective est particulièrement mise en valeur par la forme même de l’oeuvre. La structure par épisode permet en effet d’isoler les séances et de les espacer dans le temps de façon réaliste. Et la longueur même d’une série rend possible une écriture qui, avec ses temps morts et ses conflits en suspens, reproduit le processus de thérapie avec une fidélité que la condensation nécessaire de la fiction cinématographique ne peut que rarement se permettre. Bien entendu, dramaturgie de base oblige, force est d’admettre que les patients du docteur Weston aboutissent à des prises de conscience majeures en des temps records, mais le réel travail d’auto-réflexion dans le temps demeure néanmoins palpable.
Mais dans In Treatment, ce ne sont pas seulement les personnages qui effectuent un retour aux sources (de leurs angoisses). Du choix subtil des cadrages au rythme précis des champs/contre-champs, c’est la caméra elle-même qui semble retrouver cet incroyable capacité de révélation des êtres qui fascinait tant les premiers critiques de cinéma. Et comme l’impressionnant travail d’épuration formelle de la série n’a d’égale que la complexité des sentiments et des réactions qui y sont représentés, le (télé)spectateur est ainsi invité à être attentif au moindre mouvement, à la moindre expression faciale ou intonation de personnages troublés et souvent contradictoires. Pour reprendre la belle expression du critique Béla Balázs, c’est toute la partition visuelle de la vie polyphonique qui s’offre à nouveau à nous sur notre petit écran, à raison de cinq séances par semaine.
14 mai 2009