Ingrid Bergman In Her Own Words
Stig Björkman
par Céline Gobert
S’il y a bien une chose qu’aimait l’actrice Ingrid Bergman, c’est l’objectif d’une caméra. Sa première fille, Pia Lindström, avance même une intéressante théorie pour expliquer ce désir insatiable et vital d’être regardée et admirée : le père d’Ingrid, photographe, adorait utiliser ses appareils avec sa fille. Ensemble, ils riaient, jouaient, posaient, s’aimaient. C’est ce père, mort d’un cancer lorsqu’elle n’était encore qu’une fillette, que la célèbre actrice qui a fait carrière à Hollywood, essayait peut-être de retrouver devant les caméras d’Hitchcock, de Roberto Rossellini ou de Michael Curtiz (Casablanca). D’ailleurs, c’est aussi avec un photographe (de guerre), Robert Capa, qu’elle vivra une passion amoureuse alors même qu’elle était encore mariée à Petter Aron Lindström !
Cette mort n’est pas la seule à avoir bouleversé son existence, comme le rappelle le documentaire de Stig Björkman qui s’ouvre sur une énumération des pertes de l’actrice en 1929 : il y a aussi sa mère, décédée quand l’actrice avait deux ans. Pour se souvenir de ses deux parents à tout jamais perdus, Ingrid traîne avec elle leurs photographies comme seule trace matérielle de leur existence… Pourtant, rien dans celle qui est en permanence décrite comme « gracieuse », « légère », « lumineuse » ou « charmante » ne laisse supposer cette part de noirceur.
Basé sur des images issues de la propre collection de l’actrice, sur ses journaux intimes lus par Alicia Vikander en voix off, des lettres de ses amis, et enrichi des témoignages de ses quatre enfants, dont Isabella Rossellini, le documentaire va dans ce sens et ne s’attarde jamais sur les parts d’ombre et les contradictions de Bergman, qui a tout de même abandonné sans aucun remord, et à deux reprises, ses différents enfants. Cet « oiseau de passage », comme elle est appelée dans le film, voulait être « libre », sans racine ni attache. Au final, elle passera dix ans à Hollywood, huit en Italie, avant d’aller vivre à Paris ou encore à Londres. Assez lisse, le documentaire relate et compile les éléments factuels sans rien parvenir à saisir de la mystérieuse Ingrid : ni les motivations d’une mère absente qui ne cesse de fuir et de tout recommencer à zéro, ni les dessous de son travail d’actrice (on aurait aimé en savoir bien davantage sur sa préparation, ses techniques de comédienne).
Tout y demeure malheureusement superficiel : quelques extraits de films sont parsemés par-ci par-là, et des louanges sont chantées de tous les côtés – elle pour Cary Grant, Gary Cooper ou encore Humphrey Bogart, Sigourney Weaver et Liv Ullmann pour elle. Le réalisateur et critique de cinéma Björkman passe rapidement sur les scandales qu’elle a essuyés en Amérique et en Suède, devenue une figure controversée après avoir épousé Rossellini alors qu’elle était enceinte et déjà mère d’une petite fille. Narcissisme ? Égoïsme ? Épicurisme ? De tels qualificatifs ou pistes de réflexion ne sont même pas effleurés. On lui préfère bien sagement l’étiquette de femme « libre », un peu timide, qui ne souhaitait avant tout, et par-dessus tout, que son bonheur. Un peu léger lorsque l’on sait que l’axe fascination/répulsion du soi est le moteur de nombreux et nombreuses artistes.
La bande annonce d’Ingrid Bergman In Her Own Words
7 janvier 2016