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Critiques

Je pense à vous

Pascal Bonitzer

par Philippe Gajan

Synopsis: Un matin, Diane découvre que l’homme qu’elle aime, Hermann, l’éditeur bien connu, va publier un livre de Worms, l’écrivain bien connu dont elle a autrefois partagé la vie, – et que ce livre parle d’elle… Un autre matin, Hermann rencontre son ancienne amie Anne, qu’il a jadis quittée pour Diane… Worms, qui se trouve là, surprend et photographie sur son portable la rencontre… dont il envoie l’image à Diane…Crise…La même nuit, Anne débarque chez Hermann, tandis que Diane rend visite à Antoine, l’ancien médecin de Anne devenu le mari de celle-ci…Le vaudeville va se muer alors en drame, puis en tragédie…

Maître dialoguiste d’un certain cinéma français (Jacques Rivette, André Téchiné), le scénariste-cinéaste Pascal Bonitzer confirme avec Je pense à vous, son quatrième long métrage que le cinéaste en lui est plus à l’aise dans la comédie –- Encore, Rien sur Robert, ses deux premiers films– – que dans le drame bourgeois. Celui qui s’est fait par le passé une spécialité du divertissement intellectuel est aimé des acteurs, cela va sans dire : Fabrice Luchini, Michel Piccoli, Sandrine Kiberlain, Jackie Berroyer ou cette fois-ci Édouard Baer, Charles Berling et Hippolyte Girardot peuvent et semblent s’en donner à cœur joie avec des dialogues justes,  brillants et enlevés qui ne versent pas pour autant dans la facilité du mot d’auteur.

Pourtant, Je pense à vous est inutile et insignifiant. On n’y retrouve pas ce qui faisait la force de Bonitzer, une certaine légèreté, un certain ludisme, qui faisait passer la pilule du récit de ces destins de bourgeois parisiens en proie aux affres de l’existentialisme (particulièrement amoureux) et ce, toujours avec élégance. Pire, la construction du scénario est cousue de fil blanc et fait penser à un organigramme de situations préprogrammées. A marié avec B revoie C mariée avec D. D aura une aventure avec B, C se suicidera et A et B se retrouveront…

Pascal Bonitzer, de passage à Montréal à l’invitation des Rendez-vous du cinéma québécois, se présentait effectivement volontiers comme dialoguiste, s’accordant plus de talent dans ce domaine que dans celui du narrateur. Son mode d’écriture qui puise à même l’autofiction, c’est à dire au recyclage de situations puisées à même sa propre expérience, l’amène effectivement à privilégier les situations et donc les séquences à la narration elle-même. « Un film est construit à partir de séquences » nous disait-il. Un mot est construit de voyelles mais est-ce-que les voyelles font les mots? Reste Marina de Van, ce corps malade qui hante Je pense à vous. D’autant plus remarquable que justement elle habite un film qui ne l’est pas.

Il faut que Bonitzer retourne à la comédie… Ou encore à La belle noiseuse. Celui que l’on a comparé (peut-être un peu rapidement) à Rohmer, qu’il aime citer et à qui il a consacré par le passé un important essai, doit absolument étoffer ses récits, apporter un peu de profondeur, de densité à ses films. Le scénariste en lui a déjà prouvé qu’il en avait les moyens.

 


1 mars 2007