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Critiques

Kurt Cobain: About a Son

A.J. Schnack

par Helen Faradji

Comment transposer la vie d’un chanteur, aussi mythique soit-il, au cinéma? Question simple, réponses complexes. Le cinéaste se mettant en tête une idée aussi saugrenue se trouve en effet à la croisée des chemins : faire plaisir à tous en illustrant avec efficacité mais sans âme une vie exceptionnelle (Ray, Walk the Line) ou chercher quelque part au-delà de l’exposé des faits une sorte de transcendance qui lui permettrait de capter davantage un air du temps symbolisé par son sujet (Control, I’m Not There ou évidemment Last Days) pour se poser un problème de cinéma, un vrai.

Kurt Cobain : About a Son, d’AJ Schnack, tranche d’une certaine façon la poire en deux. À lui l’évocation impressionniste par petites touches de ce qui fit le sel de l’existence de Kurt Cobain (sa ville natale d’Aberdeen, des visages souriants, des yeux qui pleurent). Mais à lui aussi le déroulement plutôt linéaire de ce destin particulier. Originalité, ce déroulement sera pris en charge par l’ange grunge lui-même. Tiré de 25 heures de conversation enregistrées par le journaliste Michael Azerrad un an avant le suicide du héros crado (matériel déjà à la source de la biographie autorisée Coming as you are : the story of Nirvana parue en 1993), la narration off est en effet entièrement portée par la voix reconnaissable de Cobain. Sa vie, son œoeuvre, ses doutes, ses espoirs, ses désillusions, sa scoliose et ses bobos d’estomac, sa relation à la drogue, sa paternité : tout est assumé avec une franchise hésitant entre lucidité crue et candeur naïve, parfois terriblement agaçante, parfois formidablement touchante.

Si l’idée de ne montrer aucune image du chanteur, de son groupe ou de sa famille ou de n’utiliser aucune note de sa musique était fort appréciable, elle laisse pourtant place à un montage d’images de toutes sortes, non seulement beaucoup trop rapide pour permettre un peu de contemplation, mais encore émaillé d’effets de style racoleurs (accéléré, ralentis, tout y passe, comme dans une pub de lait) au symbolisme plus que simpliste. Le procédé se mord alors rapidement la queue et About a Son ne dépend plus que d’une chose : le charisme de celui qui nous parle. Bonne nouvelle, il en a. Mais au même titre que les chansons de Nirvana pouvaient bien se passer d’images, l’autobiographie ainsi créée de Cobain aurait bien pu faire sans ce long clip vidéo plaqué et vaguement décevant.

 


31 janvier 2008