La quête d’identité collective
Pierre Perrault
par Helen Faradji
2007 : sortie en DVD de la trilogie de l’Île-aux-Coudres qui regroupait Pour la suite du monde, Le règne du jour et Les voitures d’eau.
29 septembre 2009 : sortie du coffret La quête d’identité collective comprenant Un pays sans bon sens!, L’Acadie l’Acadie!?!, L’Oumigmag ou l’objectif documentaire et Cornouailles.
20 octobre 2009 : sortie du cycle abitibien (Un royaume vous attend, Le retour à la terre, C’était un Québécois en Bretagne, Madame! et Gens d’Abitibi).
10 novembre 2009 : sortie du coffret L’homme et la nature (Le goût de la farine, Le pays de la terre sans arbre et La bête lumineuse).
1er décembre 2009 : sortie du coffret Le fleuve (Les voiles bas et en travers et La grande allure, parties 1 et 2).
L’attente sera longue, mais le compte sera bon. D’ici Noël, l’uvre de Pierre Perrault sera là, disponible dans nos salons, toute prête à nous rappeler le véritable sens des mots générosité, authenticité, humanisme.
Que Perrault, cinéaste fondateur de notre mémoire collective, pierre essentielle du grand écheveau de la culture québécoise, qui a appris à un peuple tant à regarder qu’à vivre le regard levé, soit disponible en DVD a l’air aujourd’hui d’une évidence. Mais avant le lancement en grandes pompes de ces coffrets, édités dans la Collection Mémoire par l’Office National du Film, le trou était béant et c’était par le biais de vidéos-cassettes au son défaillant, aux images pâlottes qu’il fallait accepter de découvrir les films du grand homme. Pourquoi aura-t-il fallu attendre si longtemps pour que ces derniers soient édités dans des éditions à leur hauteur ? Voulait-on profiter de la date anniversaire de sa mort, il y a 10 ans, pour que le nom Perrault revienne sur toutes les lèvres (soulignons à ce sujet la rétrospective que lui consacre la Ciné-Robothèque du 28 septembre au 4 octobre ainsi que la parution du livre collectif Traversées de Pierre Perrault, édité chez Fidès sous la direction de Michèle Garneau et Johanne Villeneuve)? Mystère. Reste que les coffrets sont désormais là et qu’il n’existe aucune raison de ne pas s’en réjouir.
D’abord, pour les films, bien sûr, qui, par un remasterisage en haute-définition, permettent à l’essence même de la beauté et de la poésie des images et des mots de Perrault de s’exprimer. Leur éthique. Leur sens incroyable du réel, toujours à la bonne hauteur, ni trop haut, ni trop bas. Leur vérité. Leur dignité. Leur absolue beauté, sans artifice. Leurs questionnements fondamentaux sur l’identité, la langue, l’appartenance (Un pays sans bon sens! et L’Acadie l’Acadie!?! sont en ce sens exemplaires). Mention spéciale à La Bête Lumineuse (1982), véritable monument du documentaire où Perrault prend comme prétexte la chasse à l’orignal pour dresser avec force, tendresse et humilité un portrait de l’âme masculine et de l’identité québécoise proprement saisissante : la seule idée même de pouvoir redécouvrir ce chef d’uvre dans ses couleurs les plus vives et son environnement sonore le plus pur suffit à rendre la perspective du mois de novembre beaucoup moins déprimante. Autre nouveauté : le sous-titrage de tous les films pour la première fois en anglais. Lorsque l’on sait à quel point Perrault faisait de son regard et de son ouverture sur l’autre un élément fondamental de sa démarche documentaire, il n’y a dans ce sous-titrage qu’une suite logique des choses.
Mais ensuite, aussi, pour le travail de fourmi fourni par l’ONF qui a su accompagner chaque coffret de bonus éclairants et inédits (entrevues de Perrault l’homme était aussi passionnant à écouter qu’à regarder -, bouts de films, courts, extraits ainsi qu’un CD sur le dernier coffret réunissant deux émissions de radio du cinéaste dans les années 60) ainsi que de livrets bilingues et exhaustifs réunissant pertinents commentaires de spécialistes (on retient ainsi « L’urgence d’un pays » écrit par l’ancien critique de La Presse Luc Perreault en 1971, ou « La quête des origines » écrit par le directeur de 24 Images, Philippe Gajan) mais surtout extraits de réflexions, de textes ou d’entrevues livrés par Perrault lui-même. Parmi ceux-ci, cette entrevue réalisée par Jean-Yves Bégin avec Perrault et Bernard Gosselin (co-réalisateur d’Un royaume vous attend) où l’on trouve ces mots, peut-être plus parlants que n’importe quelle exégèse : « Depuis le premier film et de plus en plus nous avons le même goût de la parole québécoise. D’une sorte d’hommes à hauteur d’hommes. Et envie de proposer à tous les Québécois leur propre destin Ni une bière. Ni une fiction. Mais eux-mêmes, en chair et en os. Une entreprise de décolonisation. Par amitié pour l’homme d’abord. Par amitié pour l’homme québécois par conséquent. Ensemble ou séparément, nous avons ce goût-là ». Pierre Perrault, ses films, ses mots : désormais, l’indispensable est aussi immortel.
1 octobre 2009