L’arbre
Julie Bertucceli
par Juliette Ruer
D’un côté, Julie Bertuccelli (excellente assistante puis fine réalisatrice de Depuis qu’Otar est parti) incorpore à son histoire des sentiments et éléments moins utilisés quand on cause de la mort (et que l’on n’adapte pas de Garcia Marquez). On parle de fantastique réel, d’une certaine joie dans les larmes et de quelques beaux sourires. Sans être déroutant, cela se remarque et rend le drame apaisant. C’est la partie fine du film, la touche délicate. Par contre, la réalisatrice y va avec des gants de boxe dans la symbolique arbre=famille=maison : « L’arbre généalogique », « Mon arbre est ma famille », « arbre, source de vie indéracinable», « difficile de quitter ses racines », « la sève est le sang », « les liens familiaux sont aussi ramifiés, complexes et puissants que les racines », « la maison dans les arbres », etc. Tout y passe, et deux fois plutôt qu’une.
L’immense figuier accolé à la maison de Dawn, Peter et de leurs 4 enfants devient la figure paternelle quand Peter décède subitement. L’arbre chuchote dans le vent et la petite futée de la famille, Simone qui parle avec la sagesse irréelle des enfants de romans discute avec papa au milieu des feuilles. Elle entraine peu à peu la famille dans son délire fantastique; la famille reste sceptique. En fait, la mère (Charlotte Gainsbourg) et les trois autres enfants empruntent chacun un chemin très personnel pour faire le deuil, et chacun fait ce qu’il peut. Au bout de ce parcours initiatique, la finale sera d’une évidence symbolique écrasante et tout sera fini sans que l’on y pense encore deux minutes
Mais la chose est délicatement montrée. Tout est dans ce décor trop grand, la force de la nature australienne, l’étendue cow-boy des plaines jaunes. On avale quasiment de la poussière. Et puis il y a aussi ce degré de « coolitude » toujours amené par la présence ombre et lumière de miss Gainsbourg et rehaussé par ce portrait tellement actuel d’une famille très relax où les enfants poussent plutôt qu’ils ne grandissent La petite blonde joue bien, autant qu’elle tape sur les nerfs. Nouvelle approche du deuil ? Non. Tout dans le film veut transmettre une émotion organique et sensuelle, mais rien n’y fait et l’intérêt pour cette famille qui surfe sur sa peine se dilue.
Mais on comprend Julie Bertuccelli : cet arbre est une splendeur. À en oublier les soucis humains.
La bande annonce de l’Arbre:
On pourra également lire la critique que consacrait Marcel Jean au film dans le numéro 151 de la revue 24 Images.
7 juillet 2011