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Critiques

Le banquet

Sébastien Rose

par Juliette Ruer

Ouah, la galère. En regardant le Banquet, le dernier film de Sébastien Rose, on pense à un bateau dont le Capitaine a été occupé a beaucoup de choses, sauf à garder le cap. Et nous on rame pour comprendre. Disons que c’est un numéro difficile.

Rose aime la philosophie et le cinéma, il est volubile et passionné et ça se voit dans ses films. Il a réalisé Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause et La vie avec mon père, deux films foisonnants et généreux, qui partaient en vrille, mais qui avaient du souffle pour broder autour de la famille. Avec Le Banquet, Rose quitte la maison, sort dans la rue et nous livre des personnages qui vont se croiser (ou pas), sur fond de grève étudiante. Une jeune mère dopée, un psycho sur le point de craquer, un prof excédé, un leader étudiant submergé, un recteur pourri : selon les règles du genre, et à tour de rôle, chacun vient « vivre » devant nous et apporter de l’eau au moulin pour construire une proposition. À partir de cette structure de portraits en tiroirs, tout est possible; ça peut déboucher sur une réflexion sur l’humanité (Yiyi), ça peut tourner à vide (Babel), ou ça peut vraiment se casser la gueule.

Or, le seul mot possible ici est chaos. Pas parce qu’il est décidé par l’auteur, mais par défaut. Parce qu’on ne comprend rien. Les personnages sont chacun coincés dans leur bulle, dans un genre marqué. Il y a au moins 4 films là-dedans : le film intimiste sur une fille qui veut s’en sortir, le thriller sanguinolent avec un malade, le polar cynique pour un recteur et une approche simili nouvelle vague avec les angoisses existentielles des intervenants estudiantins – soutenus par la clairvoyance de maîtres, Perrault, Jutra et Groulx, dont les extraits de chefs d’oeuvre devraient venir soutenir une thèse quelconque. Mais laquelle ? La question reste sans réponse.

Mais elle est d’importance : de quoi parle ce film ? L’université est dangereuse ? l’université est pourrie ? l’université est à proscrire ? le savoir appartient à l’élite ?  Les profs ne servent à rien ? La drogue, c’est mal ?

Il faudrait lire entre les lignes. On devine sans peine (mais avec dossier de presse, ce que les spectateurs n’ont pas) que c’est une tentative de philosopher au cinéma. Quelques-uns ont réussi, dont un Suédois et un Italien, morts à quelques heures de différence l’année dernière. On a compris le but, et l’ambition est magnifique. Cet exercice de maïeutique devrait nous éclairer sur aujourd’hui, nous porter au questionnement et à l’élaboration de nos propres conclusions. Or, on a beau regarder des acteurs qui se débrouillent fort bien, on a beau apprécier la dynamique du montage et toute l’énergie déployée, et comprendre l’envie d’une mise en situation dans une actualité récente : la réflexion n’est pas alimentée. On tourne à vide.

 


28 août 2008