Le déjeuner du 15 août
Gianni Di Gregorio
par Juliette Ruer
Un petit film innocent, dans toute la pureté du terme, ce n’est pas si courant. En voilà un qui est charmant et aussi frais que le chablis bu. Gianni (Gianni Di Gregorio, acteur principal et réalisateur) a la jeune soixantaine, un faible pour le vin blanc et il habite un vieil appartement de Rome avec sa mère. Il s’occupe de tout. Au coeur de l’été, à la veille du 15 août, il va accueillir chez lui les mères et tantes de son médecin et de son propriétaire. Pour quelques heures sans les mama, ces derniers épongent les dettes.
Dans les couloirs et les pièces étroites de l’appartement, c’est l’Italie comme on ne l’avait pas vue depuis longtemps. Dans ce premier film, on retrouve une peinture bien observée, comme ce lien délirant qui unit les Italiens à leur mère, comme la paresse si lourde des Vitelloni, paresse qui semble causée par le soleil et qui alourdit même les conversations; ou encore comme ce portrait d’Italiennes coquettes, en mode soleil et séduction jusqu’au tombeau. Ça donne un film ombragé, mais jamais sombre. Un film qui se cache du soleil. Elle est là la grâce, dans la petite touche et dans l’envers du décor. En plein mois d’août, on ne voit que les intérieurs sombres, on se fout de tout ressort dramatique, de toute explication, de toute relation de cause à effet. Pas de conversations percutantes, juste du petit rien quotidien. Et des vieux. Dans le jeunisme ambiant, Gianni Di Gregorio les regarde non pas comme des figurants représentants la fin, mais comme le moteur de son microcosme. Lui, Gianni, est fatigué de tout et de lui-même (alors qu’il a eu l’énergie sanguine pour scénariser le Gomorra de Garrone), mais ces demoiselles sont pimpantes, rebelles, coquines, gourmandes, emmerdeuses et chaleureuses. C’est l’école des vieux. Le ton est le charme même. Un mélange de pasta, de dilettantisme, de tendresse et de vie qui coule sans qu’on y puisse rien faire. Donc, autant ne rien faire.
N’arrivez pas en retard, afin de ne pas rater la première scène, adorable, où l’on prend les Trois Mousquetaires par le bout du nez… Renaissance de la comédie italienne ? Pas sûre. Ce serait sortir l’artillerie pour un air de mambo. Mais la tentation nostalgique est là, car on y retrouve en effet la nonchalance comique d’antan, et le sourire en coin un peu fatigué.
15 avril 2010