Le dernier métro
François Truffaut
par Helen Faradji
En 1980, lorsque François Truffaut réalise Le dernier métro, le meilleur de son cinéma est derrière lui. Antoine Doinel a grandi, les chemins de Jules et Jim se sont séparés, la Nuit américaine est tombée. Bien sûr, il y a aura encore La femme d’à côté, l’année suivante et sa grandiose rencontre avec la féline Fanny Ardant. Mais c’est pour une blonde qu’il décide de prendre le métro. Elle s’appelle Catherine Deneuve et elle hante sa mémoire depuis La sirène du Mississipi en 1969. Le film a été un flop, le réalisateur y avait néanmoins trouvé une muse.
Plus de 10 ans plus tard, il écrit donc pour la reine Catherine, sur mesure, ce rôle de directrice du théâtre Montmartre dans le Paris occupé de 1942, cachant son mari juif dans sa cave. Gérard Depardieu, à ses côtés, en comédien idéaliste et sentimental, viendra troubler la donne. Chacun de son côté interprétera la partition à la perfection. Andréa Ferréol et Jean Poiret seront aussi magnifiquement justes. Truffaut choisissait bien ses acteurs.
Le dernier métro emportera l’adhésion de tous. Le succès est total, les Césars l’honorent de 10 statuettes, un record. Et pourtant, malgré le nombre presque incalculable d’auto-citations, c’est le film le moins cinématographique de Truffaut. Le plus statique. Le plus « qualité française »! Un film où l’âme même du cinéaste semble se perdre derrière une mise en scène aussi majestueuse qu’horriblement contrôlée. Un comble. L’histoire a de ses façons de se moquer de la culture tout de même
C’est ce film qui vient aujourd’hui compléter la collection que consacre Criterion à l’enfant chéri de la Nouvelle Vague. Comme toujours chez eux, on se précipite sur les suppléments, histoire de vérifier que cette saga romanesque doublée d’une réflexion sur les apparences et les faux-semblants ne cacherait pas d’autres bonheurs. Et honnêtement, l’offrande déçoit. Quelques entrevues d’époque tirées de la campagne de promotion, des commentaires du film signés Depardieu ou Serge Toubiana (spécialiste et biographe de Truffaut) ou encore un entretien plutôt convenu avec le directeur photo Nestor Almendros : la moisson reste maigre. Ou presque. Car se niche également au creux de ces bonus un court-métrage particulièrement enthousiasmant. Signé Truffaut et Jean-Luc Godard, Une histoire d’eau (1958) déborde d’un charme et d’une intelligence toutes singulières. On y reconnaît la patte des 2 grands hommes, filmant avec une joie évidente la délicieuse Caroline Dim en bottes de caoutchouc, affrontant avec fraîcheur une inondation et un Jean-Claude Brialy charmeur. En quelques plans primesautiers, nos révolutionnaires en culotte courte réinventent tout un cinéma sclérosé, donnant le droit aux images et aux personnages de respirer l’air pur de la liberté. Un petit morceau de bonheur qui vaut à lui seul le détour par cette édition grand luxe d’un film presque institutionnalisé qui aurait peut-être, lui aussi, eu besoin de respirer davantage. Ce sont parfois les petites choses qui font les plus grands moments.
26 mars 2009