Le pressentiment
Jean-Pierre Daroussin
par Juliette Ruer
Le film qu’on regarde pour ralentir. Parce que Daroussin est sympa et qu’il sait jouer. Parce que, si on est loin, Paris manque parfois. Et on en sort avec l’état d’esprit envisagé, soit un vague sourire, une sérénité momentanée, une légère envie de faire la même chose que le héros. Bref, on en sort frais après une sieste, sans avoir dormi.
L’effet reposant, c’est lui, Jean-Pierre Daroussin, l’acteur cool qui se fait réalisateur. Il a eu raison : Prix Louis Delluc du premier film, c’est un bon début.
Adaptant un roman d’Emmanuel Bove, Daroussin prend les traits de Benesteau, avocat parisien au destin tracé qui décide de changer de vie. Un revirement radical : Benesteau quitte les beaux quartiers pour un appartement rue St Maur, en vue d’écrire à la plume un ouvrage en constante gestation. Il fait la sieste surtout. Exit la famille de grands bourgeois plus vraie que nature et bonjour les harpies qui s’interrogent sur l’arrivée de cet oiseau-là dans leur cuisine. Ces dames sont d’autant plus déchaînées que par un concours de circonstance, Benesteau prend sous son aile une adolescente renfrognée qu’il va bien sûr- amener à la joie de vivre. « Vieux cochon », piailleront les mégères.
Mais le gars est un vrai gentil qui ne veut que le bonheur des autres. Il y a du Amélie Poulain dans cette bonté-là (le Paris populo y fait aussi pour la ressemblance) et du Dany de Mes meilleurs copains, le hippie zen devenu personnage culte que Daroussin jouait il y a près de 20 ans; le gars qui ne voit le mal nulle part.
Un esprit de gauche très affirmé qui fait la part belle aux oubliés, à la contemplation, à ces petits riens qui construisent les liens et les personnages. Mais cela deviendrait vite bonnasse sans la délicatesse et l’intelligence de cet acteur-réalisateur. Le personnage glisse progressivement vers un effacement. On va vers la mort et chaque geste renvoie alors au titre, chaque intonation est analysée par le spectateur comme un indice vers le néant. Ne pas perdre un plan de peur de passer à côté d’un dernier souffle, c’est un peu l’urgence au ralenti de ce petit film tendre.
13 septembre 2007