Je m'abonne
Critiques

Les anges exterminateurs

Jean-Claude Brisseau

par Helen Faradji

Inutile de passer sous silence le parfum de scandale entourant Les anges exterminateurs, 8ème long-métrage de Jean-Claude Brisseau présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2006. En 2002, alors qu’il présentait son film précédent, Choses Secrètes, le réalisateur était en effet accusé de harcèlement par deux comédiennes ayant participé au casting de ce film. En 2005, alors qu’il achèvait le montage des Anges exterminateurs, il était condamné à un an de prison avec sursis et une forte amende.

Or, que filme-t-il dans Les anges exterminateurs? L’histoire de François, un cinéaste à la recherche de comédiennes téméraires pour tourner dans son projet d’exploration du désir féminin et de la transgression des « interdits » érotiques. Les jeunes femmes devront alors lui prouver leur volonté en participant à des essais que rigoureusement ma mère m’a défendu de nommer ici. En voix-off, Brisseau commente parfois, à la place de son alter-ego François, le processus de création. Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus pervers? Vertige de la mise en abime qui sert, d’une certaine façon, à Brisseau de plaidoyer pour sa version des faits.

Érotomane accompli, Brisseau filme donc la masturbation féminine et les ébats saphiques avec une frontalité sans pudibonderie. Soit. Les scènes sont belles, texturées et par d’habiles jeux de lumières et de raffinés cadrages, le cinéaste magnifie l’intensité de ces moments d’une intimité toute particulière. Le cinéma est un acte de désir, ici poussé dans ses retranchements les plus extrêmes, illustrant sans gêne et sans tabou cette drôle de rencontre entre le voyeurisme d’un cinéaste et l’exhibitionnisme des actrices. Au spectateur, une fois l’affolement des sens éventé, de trouver lui-même sa place dans cet étrange binôme.

Au contraire du Pornographe de Bonello qui assumait parfaitement la lassitude d’un cinéaste s’étant trop frotté au plaisir, Les anges exterminateurs, eux, professent une sorte d’innocence enjouée, pour ne pas dire imbécile, donnant du cinéaste une image quasiment angélique, n’ayant d’autre souci que de filmer « la grâce de la montée du plaisir »

Pourtant, la machine se bloque. D’abord parce que cette soi-disant pureté morale du cinéaste se transforme bien vite en une sorte de sadisme démiurge parfaitement dérangeant. Les jeunes femmes, bien que libres et entières, n’existent qu’en tant qu’objets de la fascination du cinéaste. Qu’elles s’abandonnent, les jouvencelles, le cinéaste, lui, n’a pas à s’impliquer. Ensuite parce que Brisseau truffe son récit de phrases codées en voix-off aussi absconses qu’inutiles et d’apparitions emplies d’un mysticisme poético-nunuche. Morale, discours et violence se mêlent alors dans une urgence de filmer, parfois pure et troublante, souvent bizarre et bancale. Rien à dire, n’est définitivement pas le divin marquis qui veut.

 


16 mai 2007