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Critiques

Les plus beaux yeux du monde

Charlotte Laurier

par André Roy

Les thèmes de l’errance et de l’abandon font depuis plusieurs années florès dans le cinéma. Ils se sont vite transformés en mythes de la modernité : il n’y a plus que renoncement au monde, solitude, désamour, société contemporaine déshumanisante… Et cette désespérance s’est métamorphosée parfois en un chic! Le FNC regorge de films sur la déconvenue sentimentale autant que sociale, et qui chutent presque tous dans le maniérisme. Charlotte Laurier et Pascal Courchesne ne font pas, eux, dans ce genre d’esthétisme glacé, austère et pesant tant leur premier film semble avoir été tiré du vécu, sorti littéralement de leurs propres entrailles. D’ailleurs, quand on lit le générique, on a l’impression d’être devant un home movie : toute le famille Laurier-Courchesne y est! Un home movie autant par ses aspects scénaristiques que techniques, de l’interprétation (faible) à l’enregistrement (cadre, lumière et son qui laissent à désirer). On dirait une œuvre faite dans l’urgence, ce qui explique qu’elle ne trouve pas son équilibre entre le trop-plein des sentiments exposés (une femme sous dépression autant que sous influence) et le pas-assez du filmage (guère soigné). La caméra à l’épaule suit, plus trépidante qu’observatrice, des gens qui ne tiennent pas en place (on est toujours en mouvement, on se retrouve même à New York et, par flash-back, en France), perdant l’énergie que pouvaient dégager déjà les corps.  On est dans l’affrontement et la frénésie, plongé (les gros plans sont nombreux) dans une surenchère d’affects et un flux de paroles qui lassent petit à petit. Le film, qui aurait pu pourtant captiver par l’expressivité des gestes et des corps et par la théâtralisation des dialogues et des sentiments, se délite au cours de ses minces 82 minutes. Cette production aurait pu se singulariser dans le tout-venant du cinéma québécois. Mais elle n’a pas réussi son pari.

 


18 octobre 2007