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Critiques

Little children

Todd Field

par Helen Faradji

Son premier film, In The Bedroom, était troublant mais mineur. Son second, Little Children, est tout simplement brillant et vient de faire passer, d’un coup, l’ancien acteur devenu réalisateur, Todd Field, dans les ligues majeures.

Adapté d’un roman de Tom Peretta (déjà auteur d’Election, adapté pour sa part par Alexander Payne, un des autres joyeux démineurs du cinéma américain), Little Children est en effet de ces films rares, qui surgissent parfois, pour mieux nous amener à voir sous les jupons de la belle et lisse banlieue, pour mieux déboussoler nos habitudes.

Film sur le jugement, mais sans jugement, l’oeuvre s’attaque en effet, à mi-chemin entre satire grinçante et observation mélancolique des rêves envolés, à cette bonne vieille banlieue. Celle dans laquelle les uniformes mentaux sont légion. Celle qui aplanit l’existence. Celle où l’on ne se sent plus vivre. Jusqu’à ce que…

Jusqu’à ce qu’une Mme Bovary moderne (absolument parfaite Kate Winslet) s’amourache d’un fringant beau blond marié et papa à temps plein (crédible Patrick Wilson). Débute l’adultère le plus sensuel que nos écrans aient abrité ces dernières années. Un maillot de bain rouge, une laveuse, de la chair et voilà qu’enfin, le cinéma américain semble perdre de cette bête pudeur qui l’empêche de savoir filmer le sexe.

Mais s’il ne s’en fallait que de ça, Little Children resterait probablement dans la cour d’école. Non. Sa banlieue est également secouée par le retour d’un pédophile sortant de prison et revenant vivre chez maman. Un retour qui laisse éclater au grand jour les pires instincts des beaux voisins. Un retour qui permet aussi à Todd Field de signer, grâce à une voiture et à un acteur intense au physique en lame de couteau (Jackie Earle Haley à qui le rôle a valu depuis quelques jolis prix) une des scènes les plus profondément dérangeantes des dernières années.

À travers cette chorale de personnages complexes et ambigus et d’autres grands enfants s’ébrouant avec eux (une voisine, notamment, hilarante de bêtise), Field secoue le cocotier de la middle class et de ses a priori dangereux pour nous tendre le plus méchant des miroirs. Frustrations, peurs, rancunes, préjugés et code moral (notamment en ce qui concerne la maternité) explosent ainsi au grand jour dans une mise en scène digne du plus joli sitcom, aussi sucrée qu’ensoleillée, aussi en contrepoint que le jour et la nuit, aussi intelligente que maîtrisée. Les dents grincent, mais l’on en ressort juste assez mal à l’aise pour ne plus voir la vie tout à fait comme avant. Lorsque le cinéma réussit cela, on applaudit.

 


2 mai 2007