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Critiques

Molière

Laurent Tirard

par Juliette Ruer

Pas facile en partant, il faut oublier Mnouchkine, Philippe Caubère et leur Molière. Prendre le même nom, quelle idée… Et puis, on n’y pense plus, les deux films ne naviguent pas dans les mêmes eaux. L’un est une fresque encore inégalée, une référence, un souffle inspiré pour capter un génie, une oeuvre titanesque. L’autre, c’est Molière pour les nuls, un condensé ambiance pour les pressés qui n’auraient pas envie de se taper une bio plus quelques pièces, mais qui veulent saisir l’essentiel, soit : Molière croque l’humain à la perfection. Il est donc moderne pour l’éternité. Cool, le gars. Pour vous le prouver, voici une rencontre imaginaire entre lui et son oeœuvre. Pour les très pressés ou les plus nuls, on condense au max, en mettant en exergue des phrases, lancées hors cadre, hors pièce, et hors personnage : « Que diable allait-il faire dans cette galère? », par exemple, est dite au hasard de la « vraie » vie, puis sera  « reprise » sur scène par l’auteur. La réalité dépasse la fiction, quelle modernit酠: Un concept préhistorique pas très cinématographique, aussi peu flatteur pour le génie de Molière que pour la culture du public.

Romain Duris campe un Jean Baptiste Poquelin actuel, assez charmeur et bondissant pour prendre la relève d’un Belmondo qui aurait de l’esprit. Fabrice Luchini est en roue libre, il caracole (littéralement) en monsieur Jourdain; Edouard Baer, Laura Morante et Ludivine Sagnier sont comme les autres : un rien trop modernes et parfaits pour l’exercice.

La facture aussi est d’aujourd’hui, elle qui voudrait s’approcher de l’élégance naturelle et un peu surannée d’un De Broca. Bien sûr, ça saute par les fenêtres, ça crie dans les couloirs, ça se bécote dans les buissons; ça veut faire croire à la légèreté, mais la structure narrative lourde compensée par un montage vif fait télé plus qu’autre chose. Introduction solennelle, souvenir joyeux et conclusion re-solennelle. Ce n’est pas du cinéma, c’est une rédaction. Ça se voit vite et ça s’oublie dans l’heure.

Dans ces cas-là, il faut s’attacher à autre chose qu’au cinéma. L’échancrure de la chemise de Duris, la nuque de Morante, le drôle de roulé des cheveux de Luchini et l’envie pressante de relire Scapin. Ce n’est pas si mal.


12 avril 2007