New York, I Love You
Fatih Akin
par Juliette Ruer
À l’heure où tout est scénarisé, sophistiqué et bien conditionné, jusque dans la moindre vidéo envoyée sur Youtube, on pourrait apprécier l’angle de la balade décontractée et urbaine, genre flânerie bohème en ville. Mais l’est-elle vraiment ? Dans le concept des ville-je-t’adore-filmée-par-différents-cinéastes, voici New York, I Love You, un mélange de platitudes sans profondeur, avec si peu d’originalité et de talent que cela en est déroutant. Les personnages qui peuplent cette errance ne sont que des silhouettes d’acteurs et actrices connus se croisant sous la houlette de Fatih Akin, Yvan Attal, Allen Hughes, Shunji Iwai, Wen Jiang, Joshua Marston, Mira Nair, Brett Ratner, Shekkar Kapur et Natalie Portman. Et tous les segments sont reliés par une « réalisation de transition », pour tenter de lier la sauce scénaristique.
Dans son ensemble, le film ressemble à une longue publicité que l’on devrait passer en boucle dans les offices de tourisme pour la Grosse Pomme, vu le nombre de plans de coupe de buildings en plongée et contre-plongée, points de vue du Brooklyn Bridge, taxis jaunes sous la pluie et balayages panoramiques de Central Park. Un petit coup de la 5ème ave, une partie de Chinatown, c’est un New York de théâtre pour touristes. L’ambiance générale qui s’en dégage ne dépasse en rien le cliché le plus commun. Autre évidence largement véhiculée dans chaque mini-histoire, les New Yorkais sont tous assoiffés d’amour et à l’affût du moindre coup; ce sont des célibataires errants, même s’ils sont en couple. Sauf les vieux, asexués comme de bien entendu.
Si le tout fait dur, il reste les parties. Cherchons donc les perles dans le cas par cas ce qui est un jeu de piste contraire au plaisir paresseux du cinéma. Le film est saucissonné et nous ne prendrons qu’une ou deux tranches, s’il vous plaît Or le choix commence plutôt mal avec le segment de Jiang Wen où un très mauvais Hayden Christensen donne la réplique à Andy Garcia sur contrôle automatique, dans une histoire qui ne va nulle part. Yvan Attal, quant à lui, colle l’esprit parisien à un couple qui a besoin de piment, composé de Robin Wright et Chris Cooper, mais se débrouille plutôt bien avec Ethan Hawke. Le segment Orlando Bloom et Christina Ricci signé Shunji Iwai a l’avantage de faire sourire. C’est charmant, précis et sans prétention. Et l’histoire se passe dans un appartement, loin des sempiternelles entrées et sorties de taxi.
Soyons originaux et prenons des personnages très caractérisés, et cela nous sauvera de la multitude et de l’ennui ? Que non. Il y a beau y avoir des juifs hassidiques versus des Indiens dans le film de Mira Nair, une handicapée coquine chez Brett Ratner, un handicapé et étranger (Shia LaBeouf face à Julie Christie, rayonnante) dans un délire romantique de Shekhar Kapur; rien n’y fait. Au milieu d’une herboriste chinoise au physique de mannequin, d’une Française qui filme tout ce qui bouge et d’un Elli Wallach encore assez vert; il faut encore chercher plus petit, dans un plan, pour se faire plaisir. Ne garder qu’une expression. Peut-être la déconfiture d’Ethan Hawke au coin d’une rue. Tout penaud, interloqué, il sait faire. Mais c’est peu sur 103 minutes.
26 novembre 2009