Panique au village
Stéphane Aubier
par Marcel Jean
On ne peut vraiment parler d’un long métrage comme Panique au village sans prendre un peu de recul pour le situer dans le portrait global du cinéma d’animation. D’abord, les récents développements technologiques (en gros, les logiciels 3-D, ceux de compositing, les techniques de « captation de mouvement » et les systèmes de stéréoscopie permettant la projection en relief) sont à l’origine d’un essor considérable du cinéma d’animation. Cet essor a aussi profité à certaines productions utilisant des techniques dites traditionnelles (Persepolis, Valse avec Bachir, etc.) et voici que sont maintenant entraînés par ce courant des films réalisés dans des conditions presque artisanales. C’est le cas de Mary and Max d’Adam Benjamin Elliot et de Panique au village, du duo de choc Stéphane Aubier et Vincent Patar. Ces films arrivent sur les écrans comme le retour du refoulé, c’est-à-dire qu’ils émergent au milieu du raz-de-marée de la 3-D numérique qui était pourtant censé tout faire disparaître
Ensuite, les longs métrages comme celui d’Aubier et Patar indiquent un autre phénomène : celui de la fin de l’âge d’or du court métrage dans l’univers du cinéma d’animation. Il y a quelques années encore, des cinéastes comme eux ou Adam Elliot auraient été cantonnés au court métrage. Ce n’est pourtant plus le cas aujourd’hui. Plusieurs des individus les plus créatifs du milieu du cinéma d’animation, lassés des éternels problèmes de financement et de diffusion du court métrage, voient maintenant d’un bon il la possibilité d’emprunter la voie du long métrage et d’avoir ainsi accès au financement industriel.
Cette mise au point faite, disons que Panique au village est conforme à ce qu’on pouvait attendre des cinéastes, si on se réfère aux épisodes de leur série télévisée éponyme. Toujours la même animation rudimentaire de jouets de plastique, toujours le même univers absurde et déjanté, toujours ce flot de situations loufoques qui déferle de manière ininterrompue. Tout cela fait évidemment rire, mais il devient vite clair que le long métrage n’est pas le véhicule idéal pour un tel concept axé sur la succession rapide des péripéties, l’avalanche de gags et l’absence de psychologie des personnages. Ainsi, l’intrigue, malgré de réels efforts de scénarisation, voit son efficacité limitée par les paramètres du concept et ne parvient jamais vraiment à se défaire de son caractère épisodique, de sorte qu’on a régulièrement l’impression que ça repart pour un autre tour. Les épisodes de la série, rappelons-le, duraient tous moins de cinq minutes. Au final, Panique au village comble nos attentes autant qu’il confirme nos craintes.
Cette critique est parue initialement dans le numéro 145 de la revue 24 Images.
9 décembre 2009