Critiques

Paris, je t’aime

par Helen Faradji

C’était en 1965. La fine fleur de la Nouvelle Vague décidait de s’attaquer à la ville considérée par plusieurs comme la plus cinématographique du monde : Paris. Vue par Chabrol, Douchet, Godard, Pollet, Rohmer et Rouch, la ville se déclinait alors en six tableaux poétiques et inspirants. En 1984, Akerman, Dubois, Garrel, Mitterand, Nordon et Venault retentaient l’expérience nommant simplement le projet Paris vu par …vingt ans après. En 2006, l’idée a continué son  chemin, chapeauté cette fois par les producteurs Emmanuel Benbihy et Claudie Ossard mais en élargissant également sa portée aux cinéastes étrangers. La commande fut donc lancée : 20 cinéastes pour les 20 arrondissements de Paris. Des contraintes : 2 jours et 2 nuits de tournage, une longueur maximale de 5 minutes et un budget restreint. Au final, seuls 18 furent retenus, ceux de Christoffer Boe et de Raphaël Nadjari ayant été écartés pour cause d’impossibilité d’intégration au tout, une façon polie de retourner les chers cinéastes à leurs copies.

Mal parler anglais avec Fanny Ardant, retrouver Ben Gazzara et Gena Rowlands dans une même séquence, fumer des pétards avec Maggie Gyllenhaal, prendre le métro avec Steve Buscemi ou encore draguer dans les imprimeries avec Gaspard Ulliel, tout ça dans le même film? Sur le papier, rien à dire, l’idée de réunir ces scènes sur les images d’Assayas, Depardieu & Auburtin (sur un scénario de Gena Rowlands), Chadha, Comet, les Coen, Coixet, Craven, Cuaron, Doyle, LaGravanese, Natali, Payne, Podalydès, Salles & Thomas, Schmitz, Suwa, Tykwer et Van Sant était épatante.

Mais voilà, les films à sketch étant peut-être l’exercice de style le plus difficile à réussir, le tout finit rapidement par ressembler à un trombinoscope plus ou moins folkorique au chic d’apparat et charme toc. Bien sûr, certains films en soi sont remarquables. La grâce sensuelle de Van Sant dans une imprimerie du Marais, l’humour des Coen dans le métro des Tuileries, la fantaisie enfantine de Chomet devant la Tour Eiffel ou encore le charme des révélations existentielles d’Alexander Payne dans le 14ème arrondissement. Mais l’ensemble ne ressemble, lui, à rien.

Épine dans le pied du projet, car chacun des films, travaillés comme une séquence d’un plus grand tout (et non comme un court-métrage) et montés comme tels, ne parvient en effet jamais à créer l’effet d’enchaînement qui ferait du film lui-même un ensemble cohérent. Passant du coq à l’âne et d’un registre à l’autre sans crier gare, Paris je t’aime finit alors par lasser. Benbihy et Ossard n’avaient aucun problème à l’avouer : le plus dur fut de réussir à coller ensemble tous ces fragments, à un point tel que la version aujourd’hui présentée en salles, et l’année dernière dans la section Un certain regard du Festival de Cannes, est la 81ème. Il en aurait certainement fallu une 82ème.

 


24 mai 2007