Rachel Getting Married
Jonathan Demme
par Jason Béliveau
Convaincante Mlle Hathaway? C’est la principale question qui poussera plusieurs vers Rachel Getting Married, par curiosité, question de voir comment se tire celle que l’on associait jusqu’à Brokeback Mountain aux princesses de Disney. Cette question, la jeune actrice y répond avec défiance tout au long du film en interprétant Kym, ex-toxicomane en permission d’un centre de réadaptation pour le mariage de sa sur Rachel (Rosemarie DeWitt), avec une sincérité ou un désir de sincérité passant l’examen. Si ce n’était de ce personnage relativement complexe et central donné à Hathaway, compte tenu de ceux qu’elle a interprétés jusqu’à présent, plusieurs critiques et spectateurs n’auraient probablement pas eu l’il aussi scrutateur quant à son interprétation, méritant avec recul la majorité des éloges reçus.
Des préparations du mariage jusqu’au moment où les tentes sont démontées et rangées, le film est serré sur les dynamiques conflictuelles entre les deux surs et leurs parents divorcés. Kym, narcissique, qui ne peut laisser Rachel être le centre de l’attention durant son propre mariage, Rachel qui n’a aucun scrupule à étaler le passé trouble de sa sur afin de la tenir à sa place, le père (Bill Irwin), conciliant, un peu mou, et la mère (Debra Winger), absente, incapable d’oublier un secret qui tient la famille constamment sur ses gardes. Ce secret déchirant comment passer outre dans un film sur la famille ? est tellement convenu que certaines mauvaises langues pourraient le qualifier de Macguffin, de simple outil narratif servant au développement de l’histoire. Suffit de préciser que durant ses années de dépendance, Kym a commis un acte irréparable et c’est son refus de recherche d’une voie rédemptrice qui enclenchera ses premiers conflits avec sa sur et le reste de sa famille. La voie est commune, certes, mais l’on s’y balade néanmoins avec plaisir grâce au jeu des acteurs, composant une famille crédible, vivante, de celle que l’on peut s’imaginer aisément, et au scénario mesuré et attentif signée Jenny Lumet, fille de son père.
Jonathan Demme, connu aussi bien pour son travail de documentariste que pour ses films de fiction, propose une réalisation symbiotique des deux formes cinématographiques. Demme le documentariste (The Agronomist, Jimmy Carter Man From Plains) adapte sa méthode à la fiction, ce qui donne des résultats qui divergent selon les moments. Les scènes de confrontation entre Kym et Rachel sont poignantes de par leur effacement d’un point de vue technique (le montage y reste utilitariste, se contentant de suivre le rythme des dialogues), et les scènes de groupe, réunissant les familles des mariés, emportent au point où le temps perd de son emprise. Demme le cinéaste de Silence Of The Lambs et du remake de The Manchurian Candidate ne peut par contre s’empêcher de préserver quelques tics de cinéaste/chien-guide pour le spectateur présumé aveugle; par exemple une scène d’accident de voiture que chaque spectateur a dû voir venir de très loin qu’il annonce par un zoom in baveux sur un panneau indiquant un embranchement. Si chaque plan dans un film est affaire d’intention, cette intention ici va à l’encontre de celle avancée par Demme, qui était de faire de Rachel Getting Married un film maison captant le drame sur le vif, un peu par hasard. Ces plans qui dirigent gênent, même chose pour ceux qui tremblotent derrière leurs angles impossibles, qui servent de bêtes distractions alors que les acteurs se tuent à la tâche. C’est plutôt dans la modestie que le réalisateur impressionne; le dernier plan de Rachel, seule, de dos, contemplant tranquillement le lieu où la veille se tenait son mariage, soulève tout le film et laisse pantois devant tout le chemin qu’a pu parcourir ces personnages afin d’exprimer leur amour, qu’il soit question d’un mariage gargantuesque aux détails ridiculement obsessifs ou des liens qui unissent les familles dans le meilleur comme dans le pire.
12 mars 2009