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Critiques

Redacted

Brian De Palma

par Philippe Gajan

Fait divers : des soldats américains violent et exécutent une jeune fille iraquienne de quinze ans, un soir de beuverie. Sur un air de remake de son film de 1989 Casualties of War, Brian de Palma, avec Redacted, enfonce le clou. L’Iraq est un «remake» du Vietnam, toutes les guerres sont atroces, injustes et doivent être dénoncées comme telle.

Mais le cinéaste ne se contente pas ici de livrer un pamphlet violemment anti-guerre, car, comme à son habitude, il interroge le statut de l’image. «Remake» ou recyclage, le cinéma de de Palma comporte toujours un aspect «pédagogique» en relation avec le regard, celui du voyeur (avec ou sans caméra), comme celui du sujet. Et plus que jamais pour Redacted, de Palma manipule l’image pour mieux la «dévoiler», c’est à dire lui arracher la «vérité». Mais voilà, comme souvent d’ailleurs par le passé, ce cinéma ambitieux, habité d’intentions certainement louables, reste au niveau de l’intention.

Car quelle est la proposition du film? Faire comme si… Faire comme si toutes les images du film lui préexistaient : journal vidéo, enregistrement mini-DV compulsif de l’apprenti cinéaste, sites internet, lettres vidéos, en bref, la panoplie complète de la communication à l’ère Youtube. De Palma a (re)filmé (question de droits d’auteur parait-il) ce que sa recherche sur Internet lui avait procuré, c’est-à-dire la reconstitution de l’horreur, selon le point de vue des différents acteurs du drame : les monstres trop stupides pour ne pas être vrais, le témoin qui filme en clamant son innocence, celui qui refuse de participer et qui par la suite n’aura de cesse de dénoncer… On ne niera pas, toutes ces images pourraient être effectivement déjà «là». Mais comme l’indique le sous-titre du film, «la vérité est la première victime de la guerre». Le vrai problème de Redacted est d’en rester là justement. En compilant un «remake» de ces images, Brian de Palma ne se hisse pas au-dessus, il ne fait que constater, en HD de plus. Pas assez fort pour transcender son sujet, pas assez moche pour faire semblant…

La véritable leçon que nous offre de Palma et qu’il s’offre au final est que l’image ne fait pas le cinéma, quand bien même elle en serait l’une des constituantes principal. Alors? D’un côté Flandres, l’extraordinaire brulôt de Bruno Dumont ou le Full Metal Jacket de Kubrick, de l’autre Blair Witch Project ou, pourquoi pas, Cloverfield. Quelque part entre les deux, Redacted. À vous de choisir.

 


6 mars 2008