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Critiques

Sous la cagoule

Patricio Henriquez

par Helen Faradji

Il y a des films poids plume et des films tonne de brique. Des films au cœur tendre et des films hard-boiled. Des films dont on s’envole, tout légers, d’autres qui nous hantent la conscience, comme une culpabilité tatouée au fer blanc. Sous la cagoule, un voyage au bout de la torture, documentaire réalisé par Patricio Henriquez est de cette dernière catégorie, de ces films chocs et coups de poing dont on ne ressort pas tout à fait indemnes.

Tout commence en octobre 2003. À la télévision, George Bush et son habituel sourire nigaud en coin affirme, en regardant l’Amérique droit dans les yeux, qu’aucune torture n’est pratiquée par son armée. 6 mois plus tard, les photos d’Abou Ghraib sont dévoilées. Un mensonge comme il y en a eu des milliers, un masque bien utile que l’on pouvait, avant ces clichés, poser sur le visage de l’abjection venaient d’être soulevés. Et c’est là, exactement au bout de la torture, au bout de l’intolérable, qu’Henriquez nous force à aller.

Il faut avoir le coeœur bien accroché pour rester de marbre devant l’accumulation de témoignages et de récits particulièrement horrifiques à découvrir dans Sous la cagoule. Il faut aussi être sacrément solide pour ne pas bouillir de rage et d’indignation devant la démonstration implacable d’Henriquez sur l’institutionnalisation de cette torture. Il faut enfin être diablement naïf pour croire ces mots clairs et ces images sans contredit possible ne prouvent pas A+B que la torture a toujours empiré les choses. En Afghanistan, en Irak, au Guatemala et en Argentine (dont les soldats furent formés à la tristement célèbre Ecole des Amériques, gracieuseté des états-uniens à leurs voisins), de ces prisonniers injustement arrêtés à ce soldat lui-même mutilé après avoir pris part à un exercice, avec méthode et une retenue exemplaire, Sous la cagoule informe autant qu’il écoeure, réveille autant qu’il dégoûte. Car il est avant tout un film physique, qui, par ses cadrages serrés et précis ne cesse d’accentuer l’impression d’étouffement. Un film malaise dans lequel l’humain prend toute la place sans pourtant ne jamais s’égarer du côté du sensationnalisme. Un grand film, en fait, dont on ressort poisseux, estomaqués mais également dotés d’une mémoire réveillée et d’une conscience sociale enragée. En un mot comme en cent, Sous la cagoule est un film nécessaire.


6 novembre 2008