Spiderman III
Sam Raimi
par Helen Faradji
Depuis quelques années maintenant, la belle saison de l’été s’ouvre au son de presque toujours la même rengaine : encore des suites. Cette année, c’est à Spiderman, troisième du nom, que revient l’honneur d’ouvrir le bal de la saison des blockbusters. Le collant est ajusté, le budget promo équivalent à celui du PNB d’un pays du Tiers Monde, l’attention des masses conquise d’avance. Embarquez dans la locomotive Spiderman, héros Marvel par excellence (son créateur Stan Lee vient même faire un petit coucou). Tendez l’oreille et vous entendrez presque les tchou-tchou mal huilés de la machine qui se met en branle.
Heureux qui comme Peter Parker a fait de beaux sauvetages. Adulé des foules new-yorkaises post 11-9, le super-héros/étudiant/photographe Peter Parker (Tobey Maguire) peut désormais se la couler douce. Des parades lui flattent l’ego, son amoureuse Mary Jane (Kirsten Dunst), maintenant au parfum, l’aime de dos comme de face et même son ancien ennemi est redevenu son ami (James Franco le bellâtre, à qui l’on payerait volontiers quelques cours de comédies). Que de bonheur. Mais, puisque sans mais, il n’y aurait pas de film, le Mal ne tarde pas à cogner à la porte. Bien décidé à nous en donner pour notre argent, le Mal n’est d’ailleurs plus 1 mais 3! Un homme des sables, un rival photographe et une bestiole gluante qui, s’agrippant à qui elle croise, parvient à le rendre ultra-méchant. Même Spiderman.
D’entrée de jeu, il faut le dire : si les deux premiers épisodes des aventures de l’homme araignée et leurs incessants allers retours entre l’ordinaire et l’extraordinaire avaient appâtés, ce troisième, lui, déçoit. Toujours mené par Sam Raimi, cinéaste élevé à la série B qui orchestre ici ses scènes d’action spectaculaires et fluides en mode pilote automatique, l’aventure prend en effet un sérieux coup dans l’aile, multipliant les super-méchants et perdant son rythme dans des états d’âme décoratifs absolument sans intérêt : porte-je mieux le rouge ou le noir? Dois-je persévérer à chanter alors que ma voix me donne l’air d’un travelo nasillard? Dois-je laisser ma mèche grasse me pendre devant le nez ou la peigner sagement sur le côté? Rarement le cinéma de super-héros avait abordé d’aussi grands enjeux, il faut le souligner.
À peine exploitée, l’idée de mettre le super-héros face à son double maléfique était pourtant fascinante. Dans le deuxième épisode, c’est grossièrement la même idée (placer le héros face à ses doutes) qui plongeait notre araignée dans des dilemmes moraux captivants, le rendant à la fois psychologiquement complexe et drôlement attachant. Rien de tout ça dans le 3. Spiderman se transforme en black Spidey comme on boit un verre d’eau : en 5 minutes, pour s’en débarrasser aussi vite. Et Dieu que ces 5 minutes où Parker tombe dans un côté obscur de carnaval avec l’air d’un rocker anglais pré-pubère sont longues. Maguire en fait des tonnes, aux côtés d’une Dunst aussi agaçante qu’une crise d’urticaire tandis que le récit en forme de grand 8 de sensations, techniquement parfait, a l’âme d’un robot en fin de course et qu’une morale finale nous fait le coup d’un roman Harlequin : les méchants ne le sont pas de façon innée, il faut les comprendre. La vertueuse Amérique tente de se racheter une bonne conscience sous nos yeux. Nous sommes émus.
Aux dernières nouvelles, Sam Raimi et Tobey Maguire ont refusé de signer pour un numéro 4. Quand l’esprit vient ainsi aux mous, c’est tout le public qui dit merci.
2 mai 2007